11 octobre 2010

[video] Le Parti Communiste en examen


Dur de marcher dans les pas de Georges. La semaine passée, quelques blogueurs dont ma pomme rencontraient au siège mythique du Parti Communiste, Place du Colonel Fabien, son nouveau secrétaire : le relativement discret Pierre Laurent.

Je ne partais avec aucun à priori, le connaissant mal et ne sachant trop si nous allions parler au présent, au passé ou au futur. L'ancien directeur de l'Humanité livre avec précaution, soupesant chaque mot, sa version des faits relative à la [mode euphémisme on] petite baisse de tonus décimant le PCF depuis une dizaine d'années, acceptant (un peu) l'autocritique...


"L'idée communiste a de l'avenir dans le XXIe siècle
[...] La question du XXIe siècle va être de d'inventer un autre mode de développement pour les civilisations que le système capitaliste [...] et l'idée communiste a quelque chose à dire sur cette invention là, peut-être pas seule."
C'est ce que P.Laurent répond à notre sympathique entrée en matière à base de "est-ce que vous ne serez pas le dernier secrétaire national du PCF ?", "le PCF est-il toujours un parti antisystème ou un parti coco-démocrate ?" et autres "le Parti n'a t-il pas perdu sa part d'utopie ?"

P.Laurent se sait légataire d'une histoire mais déclare ne pas être en poste pour "entretenir un patrimoine" et répète vouloir "se tourner vers l'après" insistant à plusieurs reprises sur le rôle du Front de Gauche : "un cadre ouvert de débat pour dépasser le seul stade des militants", "le front de gauche correspond à quelque chose qui existe dans la société bien plus que ne le laisse voir notre résultat électoral.", "sur la bataille des retraites, ce que l'on porte ne fait pas que 2% de la société française."

Même s'il ne minimise pas les responsabilités du Parti, les mauvais résultats électoraux du PCF s'inscrivent à son sens dans une suprématie idéologique du capitalisme : "[cet] horizon du monde qui règne depuis 20 ans est allé jusqu'à imprégner la gauche, même le PC a été un peu victime de cela. Reconnaissons qu'une partie du PC a un peu trop été sur la défensive face à un idéal que des générations de militants voyaient s'écrouler à l'Est. [...] il y a des périodes ou la société est portée par des utopies et d'autres ou la société intègre un peu trop son impuissance."

La baisse de popularité du PC s'inscrit également pour lui dans un rejet plus global des figures politiques actuelles, en total décalage avec la société. Dans ce domaine, il tape à plusieurs reprises sur le Parti Socialiste pas assez en rupture, voire plus, avec "les forces de l'argent" :

"Des gens s'écartent de la politique mais beaucoup sont en attente. On l'a vu en 2005. lors du referendum. [...] Sur les retraites, c'est là même chose qui se passe. Le gouvernement martèle mais progressivement [...] les gens étudient le problème, regardent les conséquences du projet de loi et se font une opinion. "

Il dénonce un débat politique figé auquel le traitement médiatique, notamment du service public, n'arrange rien :

"- Je pense que si les millions de gens qui sont dans la rue en ce moment sur la question des retraites s'investissaient autant dans le débat politique, je suis sûr que [...] le centre de gravité de la gauche ne se déplacerait pas à droite, mais à gauche."

Ci-dessous, la dernière partie de l'entretien relatif aux retraites (intégralité de l'interview en fin de billet) :

1er extrait : La poursuite de la mobilisation


2e extrait :
Les femmes et la réforme des retraites, une question spécifique ?


3e extrait : L'impasse gouvernementale, les propositions du PCF sur le financement des retraites.


* * *

"Le cadre ouvert" a tout de même ses limites. Lorsqu'on lui parle d'une éventuelle inscription du candidat du Front de Gauche dans les primaires socialistes en vue de la présidentielle, il botte en touche redoutant une concertation uniquement axée autour de la question du candidat le plus apte à détrôner Le Monarque, remplaçant le débat d'idées par une politique de l'opinion :

"La question en 2012, ce n'est pas quel président on va élire, mais à quelle majorité politique on va donner le pays."

Il reste en revanche relativement évasif sur la vague de départs des "refondateurs" du PC (Patrick Braouezec, Patrick Jarry, François Asensi, Stéphane Gatignon... ) en juin dernier, évoquant une question de timing. Certains, comme l'historien Roger Martelli, dénonçaient alors une "structure fossilisée" [...] "malgré la richesse inestimable de ses militants et de ses élus."

Pierre Laurent, lui, confirme que "le débat existentiel" qui a animé le PCF durant 15 ans est derrière lui : "j'ai été élu pour continuer ce parti et le transformer profondément."

Transition de la direction ou dernier état des lieux avant remise des clefs ? Je quitte la place avec encore moins de certitudes qu'à mon arrivée, même si mon interrogation grammaticale du début est résolue : nous avons majoritairement discuté au présent et au futur.


Articles associés :
-Article de Piratages
-Article de reversus
-Article d'intox2007
-Article de Zeyesnidzeno

...et l'intégralité de l'interview vidéo de Pierre Laurent(La candidature d'André Chassaigne, les inspirations intellectuelles aujourd'hui, le Front de Gauche, le PC et les quartiers populaires... durée : 50 mns) :

5 comments:

Anonyme a dit…

Merci pour cette video ça fait du bien d'entendre un responsable politique sur la durée et qui a des choses à dire. en revanche je ne partage pas ton appréciation ,seb quand tu dis qu'il botte en touche a propos des primaires. il me semble que son propos est claire sur la sujet: le front de gauche a vacation a ouvrir une alternative au système actuel et pas seulement une alternance qui décevrait une fois de plus. il est peut être pas aussi télégénique que d'autres mais il est intéressant et courageux...la gauche en a besoin.

Pensez BiBi a dit…

Le PCF a raté l'analyse du passage à la Nouvelle Economie, à l'analyse des Médias et il ne s'étonne même pas de cette évidence : les intellectuels l'ont quitté.
Et le visage crispé de Pierre Laurent dit tout de ces impasses pas du tout analysées.
Le PCF a écarté Bourdieu, il ignore Luc Boltanski, Frédéric Lordon pour mettre des noms ( mais c'est ce qu'ils articulent comme pensées qui est écarté/ignoré hélas).
Restent hélas les vieilles lunes sur la Renaissance et l'avenir difficile mais porteur d'espoir etc.
Bravo pour l'interview ( les communistes sont - il faut le reconnaître - quasiment interdits de grands médias).

camillio a dit…

@Bibi

il faut se méfier des fausses évidences. les blogueurs savent bien que ce qui est visible ou dit dans les médias ne reflète pas la réalité. en fait le PCf travaille sur la nouvelle économie depuis les années 1980. ils ont analysé la révolution informationnelle et les bouleversements qu'elle engendre et les potentiels qu'elle recèle avant tout le monde. le problème c'est qu'il ont peu de médias pour faire connaitre leur travail et beaucoup (dont toi visiblement) se contentent de l'idée que le PCf a de vieux schémas dépassés. quant aux intellos ils sont en recherche d'un nouveau travail avec les partis utiles mais plus distancier qu'au 20e siècle. PS et PCF ont d'ailleurs lancés chacun leur laboratoire des idées pour y répondre.

BA a dit…

Wall Street : vers une année record pour les primes, 144 milliards de dollars.

Les institutions financières de Wall Street s’apprêtent à verser un montant record de 144 milliards de dollars de rémunérations variables à leurs dirigeants et employés cette année, selon une étude du Wall Street Journal publiée mardi 12 octobre.

Ce chiffre record, qui porte sur les primes, bonus et autres stock-options des dirigeants et employés de Wall Street, dépasse de 4 % celle versée pour l’année 2009, qui s’élevait à 139 milliards de dollars, précise le journal.

(Dépêche AFP)

La vidéo la plus importante de l’année 2010 :

http://www.dailymotion.com/video/xf47nl_cantona-la-revolution-est-tres-simp_news

Pensez BiBi a dit…

J'ai fréquenté d'assez près les communistes entre 75 et 85 pour avoir vu que là, dans cette période, il y avait beaucoup d'intellectuels communistes ou non, associés qui étaient dans l'échange, la confrontation sans complaisance. J'ai toute la collection de La Nouvelle Critique pour en faire foi.
Cependant, j'attends toujours l'analyse du PCF sur la détérioration terrible de cette "alliance" prometteuse "des intellectuels avec la classe ouvrière" ( c'était le slogan de l'époque - slogan pas forcément idiot).
Je n'ai pas dit que le PCF avait des "schémas dépassés" mais - pardon - je ne vois rien venir... Si tu as des conseils, je les prends.
Cette catastrophe, je me l'explique - peut-être ai-je tort - par un repli ouvriériste interne aux instances de ton Parti.
Et je ne crois pas me tromper en disant que ces instances ont écarté les plus intéressants travaux ( entre autres de la Sociologie française - de Bourdieu méprisé ou/et ignoré à Boltanski snobé etc).
Enfin, que le Parti ait peu de médias pour se faire connaitre,c'est aussi - relis là - ma dernière phrase. Mais, nous sommes en guerre et il ne faut pas trop (en) attendre de ces Médias. C'est comme en foot, il faut essayer d'imposer son propre jeu.

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