30 mars 2009

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Dupont Lajoie 3000


Ce week-end dans les médias, la polémique sur l’interdiction de la chanson d’Orel San, sale p*te, aura fait feuilleton. Le chanteur réussissant l'exploit, avec un morceau vieux de deux ans, de s'attirer les foudres conjointes de l'opposition et du gouvernement. Ce dernier, par la voix de sa secrétaire d'état à la solidarité (pour la déconne) en appelant même "à la responsabilité des dirigeants des sites de vidéo en ligne" pour qu'ils retirent la vidéo. (Nadine Morano étant en week-end Smart Box, thalasso au Touquet, ne pouvait s'occuper elle-même de cette opportune communication.)

Je ne connais pas le chanteur, je n'ai pas écouté son opus et je m'en contre-fous. Je n'entamerai pas le débat de la défense des œuvres de fiction ici, ce serait abdiquer à la logique répressive des donneurs de leçons et dérouler le tapis rouge aux sempiternelles conclusions de ce genre de polémiques : La censure des diffuseurs et, à terme, l'auto-censure des créateurs.

Penchons-nous plutôt sur le traitement de l'information ce week-end et comparons cet embrayage systématique des roboches [1] dès lors qu'il est question d'incitation à la violence ou à la haine raciale, en l'opposant à leur mutisme dès que la sauvagerie et le racisme sont avérés à deux pas de leurs rédactions.

En effet ce week-end, il fallait bien scruter la rubrique faits-divers pour découvrir que s'était joué en plein Montreuil sous bois[2], un remake grandeur nature du film Dupont Lajoie.

Résumé de l'épisode : Mi-mars, un marocain en visite en France se fait tabasser au grand jour par un collectif de riverains au prétexte qu’il ressemblait à un pédophile sévissant dans le quartier (et dont apprendra à l'occasion de son arrestation qu'il est algérien : "Ah mais vous savez monsieur l'agent ces bikos y sont tous pareils !").

Dans un entrefilet radiophonique entre le tiercé et une éditorial dithyrambique sur le popularité du président signé Catherine Nay, j'apprends que l’innocent a la mâchoire pétée, la tête défoncée, qu'il est dans un état grave et qu'il en gardera des séquelles. Pas les rédactions.

Quelques lignes factuelles
dans le Parisien, un paragraphe dans Le Point, rien sur Tf1.

RTL parle d’une "tragique erreur" : L’homme à moitié tué n’était pas "le violeur des stades". Soyons soulagés : Dès que nos amis qui nous "veulent du bien" auront trouvé le bon marocain, ils pourront recommencer.

Bien sur, pour la forme, un des Charles Bronson a été arrété. Quant aux autres, on sait juste qu'ils participèrent. Qui étaient ils ? Ton voisin, le mien, de bons français probablement horrifiés par la chanson d'Orel San.

Conclusion provisoire : En France en mars 2009, mieux vaut être une femme qui, si une chanson d'un rappeur inconnu est prise au premier degrè par un mari docile basculant sans prévenir dans l'extrême-violence, risque (peut-être, on ne sait jamais, mieux vaut interdire toute forme de musique) de se faire bastonner, que d'être un homme un peu trop typé maghrébin et, sur cette base, de se voir péter la gueule en toute décontraction par des citoyens remontés.

[1] Roboche : Journaliste français cajolant les opinions gouvernemantels et chuintant ses fins de phrases.
[2] Note pour les provinciaux : Montreuil est limitrophe de Paris.

14 comments:

Anonyme a dit…

Ca c'est bien dans les traditions d'Afrique noire de défoncer les criminels dans la rue.
M'étonnerais pas qu'il soit tombé aux mains des Maliens, ce Marocain.

Seb Musset a dit…

Je ne sais pas quoi a fait quoi. C'est d'ailleurs tout le problème.

Quels que soient les responsables du ratonnage de Montreuil, je suis persuadé qu'une enquête journalistique serait plus instructive que leur feuilletonnage de buzz sur le "méchant" Orelsan.

Cet exemple m'a "frappé" car on est pas passé loin de la mort d'un homme, mais il se répète à longueur de journaux sur bien d'autres thèmes.

Sous-traitement des faits vs. Mise en une de polémiques insipides sur des choses ne relevant pas de "l'information".

Il y a, dans le cas de Montreuil, un gros sujet (en plus à portée de métro) qu'aucune rédaction n'aborde (se contentant de reprendre la dépêche AFP) alors que la majeure partie d'entre elles en ont fait des caisses sur un "crime virtuel" sans crime et sans victime. (favorisant ainsi des conclusions liberticides : retrait de la chanson, interdiction de festival...)

Alors... Fainéantise ? Peur ? Les deux ?

Chevillette a dit…

Je rajouterais aussi l'abondance de faits-divers sur des agressions mineures ou pas (de proviseurs, commerçants) qui ont toujours existées (Quant je fus au collège, il y a bien longtemps, un prof a failli etre défénestré par un élève mécontent, je n'ai même pas souvenir qu'on en ait parlé ailleurs que dans le collège..)

Je remarque que depuis les grandes manifestations et l'incapacité de Sarkozy a réagir ou même faire des mesures, il y a dans les débats des intellos attitrés, un retour en force du théme de l'"insécurité"!

Oubliez la crise (voire même, renvoyer sa responsabilité sur les fainéants, violents ou même , encore mieux, étrangers!!).

Au pire de la récession, les hommes politiques se battent pour des brevets en "lutte contre l'insécurité" dans les médias!!

Ne soyons pas dupes, rien est un hasard dans l'enchainement des infos dans les médias. La crise étant trop forte, il faut dévier les vélléités contestaires! Faire succéder les articles sur les patrons voyous et licenciements par les crimes crapuleux d'étrangers ou de jeunes..

Les gens qui ont peur de leur voisin, d'un acte fou d'un taré, oublie leur manque de pognon, et les responsables de cet état de fait!!!

Anonyme a dit…

Quand le sage montre la lune le fou regarde le doigt.

Il est sur et certain que les medias sont a la botte du gouvernement pour nous manipuler. Il suffit de ne plus regarder la TV, et la radio c'est different et pareil a la foi, moi je m'arrete a FIP, rires et chansons, radio classique et sur France-Inter a "la bas si j'y suis", voila point barre.

C'est comme internet (ou plus minitel 2.0) il faut pappliquer les regles de thése, antithése et synthése, et de vous dire que l'avis le plus sur c'est le votre.

Lol a dit…

Extrait :
"On verra comment tu suces quand j'te déboiterais la mâchoire", "J'rêve de la pénétrer pour lui déchirer l'abdomen" "J'vais te mettre en cloque, sale pute, Et t'avorter à l'opinel" ... le refrain c'est "sale pute..." répété indéfiniment.
Texte insipide parce qu'il attaque une femme ? Et si ce texte s'attaquait à un magrébin, un black, un juif... il serait toujours insipide ? Il ne déclencherait pas votre indignation ?
Une femme meurt tous les 3 jours en France sous les coups de son "compagnon". (On ne comptabilise que les mortes pas celles qui survivent amochées et détruites...)
S'il y avait un mort tous les trois jours d'une même minorité visible cela ne serait certainement pas toléré.
Et si ce texte appelai au meurtre d'une autre minorité, idem.
Alors, deux poids, deux mesures ?
Une réaction épidermique parce que le sujet est étiqueté "féministe" ?

Seb Musset a dit…

a Lol > La nature du texte n'est pas l'objet de mon billet. Une chanson, un film, un livre, un texte, c'est une création. Libre aux gens d'écouter, de ne pas écouter, de ne pas acheter, voir de condamner à travers des articles. De là à pousser des organisateurs de festival à déprogrammer un artiste, via une pression gouvernementale, ça en dit long sur le niveau d'infantilisation de la société.

Après ça, se basant sur tout ce tintamarre, tout meurtrier de sa femme aura vite fait de dire : "C'est pas ma faute, c'est la chanson".

Il y a un monde entre un crime et une œuvre.

Une œuvre : Pas un crime.
Un type tabassé en pleine rue : Un crime.

Il faudrait que l'on me démontre que cette chanson soit responsable ne serait-ce que d'un seul passage à l'acte. Et quand bien même : Chacun est censé être responsable de ses crimes.

Question interdiction, sur le même principe, on a qu'à interdire la série de "Taxi" de Luc Besson (*) pour apologie de l'excès de vitesse, "Apocalypse Now" pour glorification de la guerre et la série "Les experts" pour complaisance avec l'homicide.

Vous ne m'entrainerez pas sur le terrain de la communauté, ou de la minorité visible (à ce propos les femmes représentent tout de même +de 50% de la population totale).

Je ne fais qu'une seule distinction entre les individus dans ce monde :
Les exploiteurs et les exploités.

* et dieu sait que je déteste Luc Besson !

Bearimprint a dit…

A Lol,
La liberté d'expressions n'est pas la liberté de dire ce que tu veux entendre.
C'est cette définitions que l'on veut, de plus en plus, nous faire avaler. La liberté d'expression est devenu la liberté de rester dans le politiquement correct.

Il faudrait faire une piqure de rappel de Chomsky.

Pour revenir concrètement dans le sujet, j'ai vu le chanteur ce soir, dans le Grand Journal de Canal+. Je n'ai plus en tête le nom de la journaliste (La fille dans le trio) mais après lui avoir sortie que cette chansons pouvait encourager les jeunes à commettre des actes de violence auprès des femmes, le chanteur lui à répondu "Pourquoi 'les jeunes' ?" et elle à lâchée, le plus naturellement du monde, que ce genre de chose n'arrivent que chez les jeunes.

Moi qui me disait que l'on avait atteint les sommets dans la débilitation et l'infantilisation, je me rend compte qu'il y a encore de la marge avec des journalistes (J'ai les dents qui saignent rien que d'accoler le mot Journaliste à ses 3 gugus de C+) de cette trempe.

Et rappelez vous: Celui qui sacrifie un peu de liberté pour un peu de tranquillité, ne mérite ni l'une ni l'autre.

(Non ca n'est pas de moi, mais je trouve que c'est de plus en plus d'à propos)

Tika a dit…

Pour la chanson je sais pas s'il y a eu passage a l'acte, mais pour la série des experts, j'avais lu qu'un gars avait tué son ex-copine, l'avais mise dans la baignoire et arrosée d'eau de javel, lui avait coupée les ongles jusqu'au sang.

Comme il l'a joué a fond, il s'était entièrement rasé, de la tête au pieds. Du coups il a pas été très dur de le soupçonner.

En tout cas, je ne crois pas que TF1 est dit quoi que ce soit sur une possible déprogrammation des experts sur leur chaine a la suite de cette acte.
La série est toujours diffusée.

jez a dit…

Seb, je ne peux qu'opiner du chef. J'ai moi-même été très choqué de la sous-médiatisation de cette affaire de tabassage en groupe.
La plus grande insécurité découle de ceux qui font de l'insécurité le thème central des rapports entre humains, au point de mettre au pouvoir un type qui détricote en un temps record les liens sociaux.

Anonyme a dit…

La raison pour laquelle ce fait-divers n'a pas donné lieu à des commentaires et à des reportages vient peut-être de la nature des agresseurs. S'ils ne sont pas des "bons français" alors pas possible de nous rebattre les oreilles avec le "racisme" des français.

Threepiglets a dit…

Vous êtes certain que les ratonneurs étaient "de bons français"?
Car à Montreuil, c'est plutôt une denrée rare voyez vous.

Afin de vous faire progresser sur le décryptage des médias, puisque vous êtes de gauche, et donc que vous êtes borgne (l'homme de droite a le même défaut, rassurez vous, mais sur d'autres sujets), lorsque le nom n'est pas mentionné dans une dépêche ou un article, vous pouvez être sur que les protagonistes sont bien loin d'être "de parfaits Dupont Lajoie".
Un autre indice qui doit vous mettre la puce à l'oreille, le journaliste utilise, dans les mêmes circonstances, le mot "jeune", qui est un mot codé, et qui ne désigne pas des têtes blondes.

Moralité : et puisque je suis sur à 100% que les ratonneurs n'ont pas le profil pour nous rappeler "les heures les plus sombres de notre histoire", même si la victime est maghrébine, vous venez de pêcher par amalgame systémique visant "les bons français" de racisme.

Seb Musset a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Seb Musset a dit…

a Three Piglets >
1 / J'ai répondu a cette question qui est la base du billet : on ne sait pas grand chose de ce crime en "bande organisée". Alors qu'au même moment on a eu le procès médiatique en règle d'un chanteur qui n'a commis aucun crime.

2 / Je connais très bien Montreuil, j'y ai travaillé deux ans. Seule ville écolo de France, ex-banlieue sensible en cours de totale boboïfication discrète et parsemée d'ilots communautaires assez hermétiques.

Quels sont les "bons français" ? Les noirs en cités ? Les bobos en pavillon ? Ce genre de hiérarchie m'intéresse peu.

Je me limite à la carte d'identité signifiant l'appartenance à l'ensemble nation, et encore. D'autant que dans ce cas précis (la chasse d'un pédophile) les intérêts de tous peuvent se rejoindre.

3 / Maintenant que les médias n'en parlent pas parce que les coupables seraient trop colorés répond du même procédé de désinformation.

On en parle pas parce qu'ils seraient blancs ?

On en parle pas parce qu'ils seraient noirs ? Bref, on en parle pas.

Une fois de plus, ce n'est pas l'histoire fantasmée des coupables qui m'intéresse mais celle tragique et bien concrète survenue à la victime dont, pour le coup, on connait l'origine ethnique.

Threepiglets a dit…

"Quels sont les "bons français" ? Les noirs en cités ? Les bobos en pavillon ? Ce genre de hiérarchie m'intéresse peu."

Ou voyez vous une hiérarchie, là, ou il n'y a qu'une identification?
Puisque vous êtes bien capable de voir des "dupont la joie"(qui est là, bien un fantasme, ce vieux fantasme de 68art qui voit en chaque français un colonisateur, un collabo, bref, un coupable),chez les agresseurs et que le journaliste , et vous même, êtes capable de discerner une origine ethnique chez la victime.
Soit l'acuité est pour tous, soit elle n'est pour personne.
Mais croire que les bobos sans couilles seraient capables de monter une expédition punitive, tapant au hasard, est un bon gros.

Un autre indice, si les agresseurs avaient été de vrais bon francais colonisateurs et collabo, le Mrap aurait réagit dans la seconde.
Silence radio ici, tirons en la conclusion qui s'impose.
Bref, si cette info est passée dans le parisien, c'est que la victime était maghrébine.
Elle aurait autre chose, carte nationale d'identité ou pas, cela n'aurait pas fait une ligne, pas une seule.
La désinformation est plus grande encore que ce que vous êtes prêt à l'admettre.

Sinon, vous avez parfaitement raison sur le fait que l'affaire du rappeur est là pour masquer d'autres informations plus graves, mais là encore, la diversion, cela fait 25 ans qu'elle est utilisée dans ce pays, au moins.

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