20 juillet 2009

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Purple smoke on the water


Sache lecteur que la musique occupe une grande partie de ma vie et qu'elle seule depuis un quart de siècle me fait oublier le reste...

Par ces temps, j'en ai grand besoin.

Samedi 18 juillet, 10h.
Le wagon du TGV Paris-Montreux regorge de fans à moitié réveillés. Nous arrivons à midi en pleine tempête dans la station suisse et luxueuse au bord du lac Leman. 14 degrés maximum.

De toute l'Europe, ils convergent pour les deux shows exceptionnels que donne ce soir Prince en conclusion du festival de Jazz de Montreux. Fixant dubitatifs les cimes enneigées des alpes, la poignée d'adeptes de la première heure s'interroge sur le pourquoi et le comment de ces concerts sortant de nulle part interrompant deux années sans tournée. Les billets furent discrètement mis en vente il y a quelques jours, presque uniquement auprès des fans, et depuis rien ou presque n’a filtré.

Seule hypothèse économiquement crédible : Les prestations seront filmées pour l’édition d’un dvd.

Sam, compagnon de concert de longue date, nous rejoint. Je me dirige avec lui chez Johnny, fan helvète, qui nous héberge pour la nuit dans son magasin de musique. Direction l’auditorium Stravinsky en milieu d'après-midi où s’entassent depuis l'aube les plus acharnés.

Torture inutile que s’infligent ceux désespérant d’être au plus près de l’événement : Attendre est de ce genre de comportements dont je suis physiquement incapable sauf pour ce type de concerts.

Patience. Nous discutons entre autres sujets du manque de recul de l'artiste sur sa propre musique du à un ego surdimensionné. A l’inverse d’un Michael Jackson, conscient de ses lacunes musicales et qui savait s’entourer des bons producteurs, Prince, musicien hors pair mais à la poursuite de sa popularité passée, n'écoute personne, refuse les collaborations et sort des albums fourre-tout où il ratisse large, survolant trop de genres musicaux sans en approfondir vraiment aucun et, globalement, les ratant tous. Durant ce temps, d'autres producteurs, Pharell Williams, Neptunes et autres piochent allègrement dans son "son" pour concocter les tubes du moment.

Les exceptions notables de sa discographie en 10 ans furent ses albums concept, rock ou jazz, tous mal distribués : The Vault, Chaos and Disorder, l’excellent Rainbow Children, l’instrumental News (enregistré en une prise) et les désormais légalement introuvables Xpectation et C-Note inspirés par Miles Davis.

Pour le reste, Prince réserve ses fulgurances pour la scène : Du Bataclan en 2002 à sa série de shows à l’O2 de Londres suivis de concerts à l’Indigo Club durant l’été 2007 (40 performances en un mois, prouesse qui influencera Bambi à réitérer « ce coup » pour sa tournée "This is it !" annulée pour cause d’infarctus).

Seul problème, à l'image des 2 concerts suisses : La promotion reste confidentielle. Bien loin des annonces de ses collègues stars des années 80, Prince joue à guichets fermés mais pour une poignée de conquis, se coupant des nouvelles générations.

19 h. Les portes de l'auditorium s’ouvrent. Ruée des fans. Dans la mêlée, un suisse en costard se prend les pieds dans les miens et se banane sur une vingtaine de mètres devant sa belle qui pouffe. Rien à faire, dans ces cas avérés de fanatisme aveugle : C’est chacun pour soi. Confiture de timbrés dont je fais partie ! Bien que nous soyons enflammés par une passion positive, ce genre d'excitation collective donne un bon aperçu de ce qui se passerait avec les mêmes en cas d’incendie ou de contamination massive à la grippe A.

Deux méduses géantes, une moto, un écran circulaire et des caméras. Notre impression est confirmée. Ce soir, c’est un film qui sera tourné.

Extinction des lumières. Introduction psychédélique, Prince de rouge vêtu entre sur scène, stratocaster en bandoullière. La formation est minimaliste : John Blackwell à la batterie, Renato Neto aux claviers et Rhonda Smith à la basse. Il entame When I lay my hands on U, morceau enregistré avec Carlos Santana il y a une dizaine d’années. S’en suit un show d’une heure trente orientée jazz où s’additionnent des titres rarement joués sur scène : When the light go down, willing and able, I love but I don’t trust you anymore, she spoke 2 me, Love like jazz, Elixer, In a large room with no light (morceau inédit ressorti de ses archives pour le festival)…


A 51 ans, Prince abandonne les prestations physiques risquées qui contribuèrent à sa notoriété et réoriente sa carrière direction "crooner" privilégiant sa voix et les solos de guitare à tomber par terre. Ainsi la version d'Empty Room (titre confidentiel à la puissance équivalente à Purple Rain) est sublime. Il en va ainsi de chaque chanson de ce show plutôt court mais dont il n’y a pas un seul moment à jeter. Même les quelques hits interprétés sont retravaillés de fond en comble (Little Red corvette, Beautiful Ones et Nothing compares 2 U…)

Fin du premier show. Nous venons d’assister à quelque chose d’unique et sortons de là lessivés. Direction la ballade sur le bord du lac Leman pour se restaurer. Au pied du palace des rupins, j’ai un aperçu immobilier de la lutte des classes à la Suisse : Sous l’étage des limousines et du casino s’entassent façon barrios, les paillotes à kebab au graillon pour les sans thunes du pays. On y parle pas beaucoup musique, par contre on y fume et l’on fume de la substance illicite allègrement de 15 à 75 ans (forte présence de vieux babas). J’imaginais la suisse aseptisée, j’y découvre une liberté de la défonce à ciel ouvert inédite même dans les quartiers les plus interlopes de la banlieue parisienne : Distribution quasi gratuite d’alcool, Redbull en self-service et Jazz Café, night club ouvert à tous.

Nous nous posons dans un parc avec nos bières (j'en suis déjà à 7) et nous refaisons le match.

23h00. Retour dans la file d’attente pour le 2e set de la soirée. Cette fois, nous évitons la cohue, nous placant sagement devant la console d’enregistrement. J’y retrouve un ami qui lui aussi se console de ne pas être au premier rang en enregistrant le show.

Deuxième entrée de la star du soir, habillé comme pour le premier concert. Il entame à nouveau When my I lay my hands on U. Tous comprennent ici que nous aurons une deuxième version de la set-list initiale, pas si unique que ça finalement. Ne boudons pas le plaisir. Les versions sont plus carrées et sortant de la redite, il revisite d’autres morceaux comme le Stratus de Billy Cobham, le Spanish castle magic de Jimi Hendrix et le All Shook up d’Elvis Presley.

Prince livre enfin ce qui sera le clou du deuxième show : De furieuses versions de Peach, When U were mine et All the critics love U in New-York (rebaptisée All the critics love U in Montreux) et surligne ici, cela n'engage que moi, le fait qu’il est bien plus crédible lorsqu’il laisse s’exprimer son côté rock que son côté jazz.

Pour contenter les non-fans désappointés par ce concert hors des hits, il conclut tout en lyrisme avec un bon vieux Purple Rain. La version, qui figurera à n’en point douter sur le dvd, fera date.


2h00 du matin. Me voilà donc avec 3 heures de concert dans les pattes et j’en redemande. Nous nous dirigeons donc avec Sam et Phil vers le Jazz café que Prince a réservé jusqu’à 4 heures pour, peut-être, y livrer un de ces aftershows mythiques. La salle souterraine du palais de la débauche est sursaturée de monde. C’est samedi soir et toute la suisse adolescente est venue se fracasser la tête ici. Mes semelles collent sur un lino tapissé à la bière et au vomi. Il y a plus de monde dans ce pandémonium que dans l’auditorium. Nous mettons 15 minutes pour descendre au dance floor, 25 minutes pour en remonter. A l’évidence, Prince ne viendra pas jouer les prolongations ici, en tous les cas pas avant 2 bonnes heures.

Retour dehors pour une Xème bière. Heineken est un sponsor du festival et ça se sent. Nous recroisons les fans de la mi journée qui nous confirment, après discussion avec le staff, l'annulation de l'aftershow.

It’s time to drink. Nous poursuvons la soirée au bord du lac avec bières, vin rouge offert par le tenancier de la paillote (les commerçants suisses savent y faire), en échangeant des considérations sur les tailles des poitrines des protégées successives de Prince.

5h du matin. Je marche avec Sam et Phil le long de la promenade bien moins peuplée vers le magasin de Johnny. Passablement imbibés, nous nous remémorons hilares nos pires souvenirs de concert à la tête desquels figure la tragique expérience du groupe Mother’s Finest au festival d’Issy les Moulineaux remplaçant au pied levé un James Brown privé de concert à la dernière minute pour cause de prison, le tout devant 20.000 personnes déchaînées qui jetèrent alors tout ce qu'il est possible de jeter sur une scène.

SAM
Ce soir là, Mother’s Finest ils ont mangé de la pastèque !

Devant le magasin, nous croisons Johnny sapé en beau gosse se dirigeant vers le Jazz café, encore confiant dans la possibilité d'un after. Défait par nos informations, Johnny me propose de noyer son chagrin avec une bière : Cela ne se refuse pas. Prévoyant et pour ne gêner personne vu que mon train est dans deux heures, je m’étends devant la porte des chiottes pas loin de la sortie. Scannant les ondes suisses sur mon Heil-pod, je ne trouve à me mettre sous l'oreille qu’une interview de Laurent Joffrin nous expliquant comment à 16 ans il a fait, à lui seul, mai 68.

Même ici, même à cette heure là !

Contre toute attente sa belle histoire m’endort.

Sam qui a carburé à la Bison Rouge, face aux ronflements et flatulences de la dizaine de fans entassés, ne trouve pas le sommeil et me réveille au bout d'une demi-heure. A l'aube, nous titubons vers la gare de Montreux. Nous y croisons des revenants du Jazz Café aux looks de zombie qui tentent en vain de nous faire croire un instant qu'un troisième concert a eu lieu.

Mais non, n’ayant pas collecté les confidences de Morris Hayes à temps, ils ont poireauté 3 heures supplémentaires dans la boite bondée.

Dans le train régional de la CFF qui file le long du lac, nous discutons entre affranchis des arnaques de sa majesté pourpre, notamment de son dernier site payant, ainsi que de la crédulité assumée des fans de divers horizons qui, abasourdis par ses prestations scéniques et à jamais nostalgiques de leur ouverture aux autres genres musicaux provoquée par son prolifique éclectisme, crachent avec bonheur au bassinet et le suivent dans ce genre de délires nocturnes.

Cette aventure s'achève en terrasse de la gare de Lausanne autour d’un Fernet-Branca réparateur, à lire le compte-rendu des concerts dans l’édition du Matin.

Notre train est enfin là et moi déjà un peu ailleurs.

Dimanche 19 juillet, 10 heures. Au pays des rêves funky teintés de jazz, j’ai encore pris ma princière mandale.

crédit photo : des spectateurs mieux équipés que moi.

4 comments:

Anonyme a dit…

Eh! Bin ! mon Seb ! t'as pas fait semblant, tu viens de te créer un souvenir impérissable !Monteux c'est pas rien.
Sa me raméne 20 a 30 ans en arriere avec les concerts de Hard rock (trust, AC/DC avec bon scott) mon dernier c'était Steve Vai, toujours biére/teuch, mais sage et pas violent. A l'époque aussi ont faisiait pas iech avec sa dans les concerts.

Seb Musset a dit…

Je confirme la présence d'herbes folles dans la salle.

gill68 a dit…

3 extraits trouvés ici:
http://www.dumeny.com/songs-of-the-day-prince-live-from-montreux-09/

Anonyme a dit…

Toi aussi tu étais à l'île Séguin pour James!!! LOL

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