27 septembre 2023

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Retour sur le film : Betrayed, la main droite du diable (Costa-Gavras ,1988)

Betrayed, La main droite du diable est le deuxième film américain de la carrière de Costa-Gavras, et celui qui est passé le plus inaperçu. C'est pourtant le meilleur des quatre (Les trois autres : Missing, Music Box et Mad City). 

Le pitch : Une agent du FBI (Debra Winger) infiltre un milieu de fermiers du midwest soupçonnés d'être des terroristes suprémacistes blancs. Evidemment, une romance va naître entre elle et le suspect principal et elle se prend d'affection pour les enfants du séduisant salopard en chef (Tom Berenger) qu’elle pense incapable de commettre les atrocités dont on le soupçonne… Sauf qu'elle va vite déchanter. Mais il est trop tard. Elle est coincée, autant instrumentalisée par les odieux (mais si sympathiques) rednecks (elle devient complice des attentats) que par les "gentils" du FBI (qui ont font leur jouet, son supérieur hiérarchique étant un ex éconduit), le tout dans un environnement 100% masculin totalement hermétique aux angoisses de l'héroïne (annonciatrice du personnage de Clarence Sterling dans "Le Silence des Agneux" trois ans plus tard). 

Moins manichéen dans le traitement que les autres films américains de Gavras, La main droite du diable évite le piège du film à discours politique trop appuyé pour glisser dans le descriptif du conflit intérieur, entre valeurs et sentiment, que vit le personnage double joué par Debra Winger, simultanément traitre et trahie. L’infiltration au sein de cette branche modernisée du Ku Klux Klan devient alors une toile de fond  de plus en plus normale, et c’est le tour de force du film : habituer au pire au point de le désamorcer avant de nous cueillir par surprise. Le point d’orgue dans ce principe est une scène glaçante, d’apparence anodine ,où des enfants lâchent des horreurs racistes avec toute la douceur et la bonne humeur du monde. C’est ce malaise constant, et jamais tranché, qui a probablement handicapé la carrière de ce film, et empêche aussi une diffusion plus large aujourd'hui (ça a beau être une fiction, la moitié des dialogues du film pourrait tomber sous le coup de la loi en France). Vendu comme un thriller aux Etats-Unis alors qu'il joue presque sur le terrain d'un documentaire, vendu en Europe comme un film à thèse sur des rednecks d'extrême-droite alors qu'il s'avère plus subtil que ça, 

Avec 35 ans de recul, on peut dire que le film visait juste sur la montée du "Make America Great Again". On y voit même déjà sous la forme embryonnaire la prise en main d'Internet, 20 ans avant tout le monde, par les groupes d'extrême-droite. 

Le scénario est signé Joe Eszterhas (qui écrira deux ans plus tard, un peu sur le même principe mais en inversant l'homme et la femme, Basic Instinct). Le travail photo par le français Patrick Blossier est superbe.






2 comments:

Anonyme a dit…

Mesure du temps écoulé et des "progrès" accomplis en matière de liberté d'expression : "Ça a beau être une fiction, la moitié des dialogues du film pourrait tomber sous le coup de la loi en France".
Si le diable se niche dans les détails, l'essentiel ne réside-t-il pas entre parenthèses ?
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@Acquavite8

Denis a dit…

Une de mes films cultes avec la belle, très belle Debra Winger.

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