8 septembre 2008

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St Germain des Prés, de loin c'est mieux

Premier samedi de la rentrée dans le 6e arrondissement.

Fini les bivouacs à même le bitume dans la rue de Vaugirard dans un Paris qui, cet été, fut vide comme jamais. Sans parisiens, ni touristes : C’était presque le pied.

Mais tout ça c’est du passé : Quat-Quat, bourgeoises, beaufs et clodos. Ils sont tous de retour le même jour.

Samedi après-midi, carrefour de l’odéon, on se croirait à Vet’affaires aux premiers jours des soldes.

Embouteillages de plaques du 93 dans la rue Dupuytren – avec alternance de vieilles guimbardes et de cabriolets BM -. Les pauvres sont indécrottables, quitte à souffrir, ils aiment faire leurs courses chez les riches ! On leur a pourtant construit de beaux hangars à bestiaux en proche banlieue mais non, faut que ça vienne parader en plein centre de Paris ! Et ça tourne des heures pour trouver une place pour stationner parce que le parking souterrain c’est vraiment trop cher.

Quand je rencontre des vieux baroudeurs de St-Germain, ils me disent que le quartier a bien changé, qu’on ne peut même pas imaginer la vie de bohème qu’il y eut ici.

Et pourtant, moi, à ma minable échelle, rien qu’en un an, j’ai vu le quartier de St Germain -des-Prés se détériorer à la vitesse grand V.

Dans les vieilles rues, en six mois j'ai constaté une inflation de sandwicheries bon marché et de glaciers (italiens comme moi je suis burkinabais), assortis de leurs files d’attente pour lecteurs de Voici.

St Germain des Prés, fini la poésie : On se croirait au Cap d’Agde en juillet. On y observe le week-end le même défilé de patauds à cônes trois boules, sauf qu’ici le cornet aux phosphates ils le payent seize fois le prix.

A St Germain des Prés, Gréco déchanterait. Place aux Algecos des chantiers. C’est que Monsieur Delanoé nous refait le block aux petit oignons en bien aseptisé. Un beau quadrillage rectiligne, parsemé de poteaux, de feux rouge, de sens interdits, de bancs à pigeons et de colonnes à publicité. C'est beau comme Mainstreet Disneyland, USA

A St Germain des Prés, comme partout à Paris, flamboie le magasin de jouets de Monsieur Decaux.

Ce samedi là, je remonte à la rame la Rue de l’école de Médecine. Elle finira bien par être le théâtre d’une mort violente tant l’espace pour y circuler est étriqué.

A St Germain des Prés, les piétons débordent des trottoirs étroits dont ils se prennent les bites en fer là où il ne faut pas. Les cyclistes en velib, eux, prennent pépères les rues à contre-sens, une main sur le Nokia 3G l’autre sur Mattéo qui agonise dans le porte-dossier. Le tout sous les klaxons hystériques des filles à papa en quat-quat qui grillent la priorité aux bus en leur faisant un doigt sur fond d'American Boy.



Les piétons la dedans ? Ils ont intérêt à être vigilants.

A St Germain des Prés, si tu ne regardes pas devant toi, tu as vite fait de t’embrocher un abruti ou un scooter (qui est une variante de l’abruti mais qui se déplace à 60km/h, des insultes devant et un pot pétaradant dérrière).

La vache avec tout ce bruit, j’entends plus ma musique. Le casque de mon Heil-pod doit être mort. Pauvre de moi, il va falloir que je consomme ! Direction la Fnac Digitale du bout du Boulevard.

Sur la façade du blockhaus c’est inscrit :
« La Fnac vous éclaire dans la jungle de l’informatique »

A l’intérieur, j’ai du mal à atteindre le rayon des casques pour baladeur. Le premier niveau a du mal à dégorger sa marmelade de dévots de l’high-tech apparemment peu touchés par la baisse du pouvoir d'achat.

Le blaireau High-tech a 3 positions :
- 1 : Avachi dans son salon à mater Les Experts sur son écran plasma.
- 2 : Dans mon chemin, à La Fnac Digitale, où il se vante face à copain que son écran ne lui suffit plus et qu’il en veut un plus grand.
- 3 : Dans les rayons de Netto ou il achète à crédit ses nouilles par paquets de 12 pour les payer moins cher.

Le casque le plus dans mon budget est une sous daube à 8 euros planquée au ras du sol, le plus sympa à 340 euros est disposé bien en évidence pour tenter les pauvres et éviter que les bourgeois ne se luxent l’épaule.

Mais un casque ça ne s’achète pas Monsieur, ça se vole.

Curieux, je m'approche du rayon assiégé des petits portables compactes à prix cassés. J’entends un argumentaire de vendeur :

« C’est super, c’est comme un ordinateur mais presque de la taille d’un téléphone. »

Je ne peux m'empêcher de préciser :

« Non madame en fait c’est un téléphone portable presque de la taille d’un ordinateur à la différence près qu'il ne fait pas téléphone."

500 euros la calculatrice ! Ça c'est du prix pour pauvres.

La Fnac se trompe, elle va plus loin qu’elle ne le promet sur la façade :

En fait, La Fnac vous allume dans la jungle informatique.

Je sors de là en me disant que vu la densité d’occidental américanisé au mètre carré, ce quartier est le spot idéal pour une feu d’artifices made by Ben Laden Babies, et que c’est même étonnant que ce n’est pas encore eu lieu.

Le lendemain dimanche, c’est pas mieux.

Le temps est gris et poisseux mais il ne pleut pas : Et ça à Paris ça équivaut à du beau temps.

Donc, direction le jardin du Luxembourg où je retrouve un parterre entremêlé de cons qui ont eu la même idée que moi en même temps que moi : Vraiment les cons !

Et en plus, les poussettes sont de sortie.

Même dans ce jardin préservé des voitures, des bus et des vélos, je retrouve l’absurdité de l'urbanisation parisienne à savoir : Le condensé en un seul espace de circulation des joggeurs, des enfants qui jouent au ballon, de leurs parents angoissés et des grabataires à déambulatoires. Il n’y a guère que les joueurs d’échecs et de pétanque qui ont le droit à leurs terrains spécifiques.

Après l’avoir esquivé de justesse, j’échange un regard noir avec un type qui, comme ç types comme lui sur 10 à Paris, ne regarde pas devant lui quand il marche et qui du coup, 9 fois sur 10, quand il vous bouscule ne s'excuse pas. Nous n’insistons pas. Pas de baston le dimanche et puis il y a bien trop de flics dans ce parc pour enfants.

A propos de condé. Devant Le Luco, un policier stoppe un bobo en Velib. Celui-ci s’insurge de ne pas avoir le droit de rouler à fond la caisse sur le trottoir entre les trottinettes et les femmes enceintes.

L'AUXILIAIRE (en mode terminator)
Monsieur c’est 90 euros.

Les badauds qui jusque là se taisaient, lèvent la voix.

LES VOIX DE PARIS (sortant corde et potence)
C’est bien fait ! A mort le bobo !

Je profite du panorama que le monde entier parait-il nous envie : Un décervelé qui verbalise un dangereux crétin vilipendé par des lâches.

Oui, il n'est pas exagéré de conclure qu'à St-Germain-des-Prés, nous sommes tous une grande famille dont tolérance est le maître mot.

PS 1 : je suis prêt pour la Strutter Bubble. (infommercial en VO Only)

PS 2 :
Perverse Road de Seb Musset, sortie le 4 octobre, un roman très apprécié à St-Germain des Près.


4 comments:

Denis a dit…

Hors sujet : par curiosité, Quat-Quat, comme ça se prononce par là haut ? kate-kate ou couat-couat ?

Seb Musset a dit…

Denis, tu ne le sais pas encore mais tu viens de modifier le contenu de mon livre ;)

Rafo a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Rafo a dit…

Scotché, je suis scotché devant cette clairvoyance, en un seul article un tel détricotage de la vie intra-urbaine, j'avoue qu'il n'y a pas grand chose à ajouter, tout y a eu droit. Chapeau bas et comme disent les gogos "j'adore ce que vous faites".

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