C’est la rentrée, c’est la crise et ça marche mieux que jamais pour M6 ! Après un Zone interdite sur la difficulté de se loger (dimanche 14) et un Capital spécial crise de l’immobilier au ton ouvertement pessimiste le dimanche suivant, c’est avec grand plaisir que je retrouve Maisons à vendre animé par Stéphane Plaza, le kéké* agent immobilier en charge de faire comprendre, sur un ton AB production, aux vendeurs en péril que, bon, faudrait quand même voir à baisser les prix de leurs tas de parpaings parce que les agents immobiliers et les notaires commencent à morfler !
J’ai déjà fait 1001 marroniers sur la petite chaîne qui monte et qui va finir par niquer Tv-Experts mais là, des l'introduction du premier reportage de Maison à Vendre, je me suis dit comme Stéphane Plazza que « y avait du bon blaireau dans la machine à blaireauter » et que le spectacle allait donner !
Bienvenue chez Vivien et Marina, premier couple candide d'une saison 2008-2009 de Maison à Vendre qui s'annonce meurtrière. Ce sont de jeunes parents trentenaires tout ce qu’il y a de plus M6isé qui veulent se débarrasser de leur gouffre à thunes. Lui est une sous-fiotte standard qui fait oui-oui à tout ce qu’on lui dit en souriant goguenard. Il vient d'ailleurs d'être licencié par sa boîte pour manque de charisme. Il passe le reportage, effacé et castré par son épouse, un morcif surmaquillé à la voix de 103 SP au pot mal réglé, que j’imagine cadre en viennoiseries à La Brioche Dorée de la zone co' du coin.
Après avoir regardé en 2006 un Capital spécial boum de l’immobilier entre deux numéros de "M6Déco", l'épouse boostée par les discours aux taux moralisateurs de son bonimenteur de banquier, a du casser les pieds à sa gentille carpette de mari en lui serinant des jours durant : « - Faut acheter Mamour ! Faut acheter ! ». On sous-estime les ressources d’un homme pour faire taire sa femme. Enfant, maison, choix du programme télé : La plupart préfère céder plutôt que des les entendre brailler. Le minet fait bidet, s'exécute et s'endette à 100%, rien que ça.
Il y a deux ans notre couple modèle a donc acheté «dans l’urgence» selon Marina (comprendre que 2 de leurs voisins venaient d'acheter et qu'ils ne pouvaient plus faire autrement sous peine de passer pour des truffes), cette ancienne écurie de 150m2 carré au fond d’une impasse en bordure de patelin, en périphérie de trou perdu.
Galvanisée 10 minutes par l’acquisition, une fois propriétaire, l’apprentie bourgeoise déchante.
A la question fondamentale de la philosophie plazacienne :
- "Mais pourquoi voulez-vous vendre ?"
Marina répond :
- "Il nous arrive que des mauvaises choses depuis que nous sommes propriétaires. Et puis, sans argent, j’ai commencé à me dire : Comment on va faire ?" (sûr que c’est le meilleur moment pour se remettre en question)
Devant sa situation financière "un peu tendue", Marina a donc réagi comme il fallait : En tombant malade. Quelle maladie ? On ne sait pas. Un truc qui permet d'être en congés maladie, de peindre sur les murs et d'appeler Reservoir Prod.
Marina, sur les conseils évidents de la production qui lui a soufflé ce laïus au scénario mal interprété, avoue :
- "On a eu un rêve trop grand pour nos bourses !"
Comment sais-je que tout cela est écrit ? L'emploi de la locution "manque de maturité" : Dans la bouche de Marina, ça ne colle pas !
Passons à l'état des lieux :
Mince c’est vrai, Marina a raison : C’est pas pareil une maison sans meubles ! Dans le ciboulot ça travaille… Attends voir. Tentons un plan de coupe de ce qui s’est passé dans sa tête à la remise des clefs du domaine délabré :
«Crotte c'est vide et on voit tous les défauts qu’on avait pas vu quand on avait pas regardé parce qu’il y avait des meubles devant ! Hou la la, ah oui dis donc, j’ai acheté un taudis à 250.000 euros !»
Plaza fait le tour du propriétaire accablé. Bonne nouvelle rien n’est a refaire, mauvaise nouvelle, tout est faire ! Fils dénudés, murs en morceaux, absence de plinthe et de portes, cache misère sur le chauffe-eau piteux, cour carcérale, jardin abandonné, ouvertures bloquées, pièces sans fonction et une fresque murale avec un gros cœur couleur caca marqué je t’aime maman à l'étage. Marina et sa fille, en bonnes spectatrices d’M6 sont des artistes bridées par les cruelles obligations contemporaines d'un monde "qu'il est vraiment trop prenant". Ah si seulement, elles avaient le temps ! L'art moderne y gagnerait !
Bref, la maison est un condensé de n’importe quoi en très sale état, contrastant avec la pièce d’entrée : Une cuisine neuve et flamboyante méticuleusement décorée "à la m6" dans un camaïeu déstructuré de vert pastis peint à la volée, proprement gerbifique. A voir la moue molle de Marina quand elle évoque ses deux années passées ici, il est évident que toute cette histoire de propriété ne l’a amusé que l’espace d’un samedi après-midi, le temps de faire la déco. Le reste, le gros œuvre, les pièces du fond et tous les petits trucs à refaire qui coûtent de l'argent, ne sont pas clinquant mais qui font une maison et créent une ambiance sont, pour le moins, embêtants parce que 1 / "faut travailler" et 2 / faut faire travailler son cerveau.
Deuxième plan de coupe de celui-ci : « Ah si seulement M6 faisait des émissions en continu pour me dire comment penser ! »
Car niveau courage c’est pas encore ça ! Exemples de témérité parmi d’autres : Marina boycotte Psychologie des foules de Gustave Le Bon, le café littéraire de Piccouly et les chiottes du rez-de-chaussée car "elles sont trop sales".
Stephane Plaza est outré. Il y a une pièce pour la machine à laver mais pas de salle à manger ! Y a des choses comme ça qui sont rédhibitoires à la télé française : Discuter la version officielle du 11 septembre et l'absence d'une salle à manger chez soi. Ça vous ostracise direct !
Pour les moins analphabètes, c'est inscrit en grand : SALLE A MANGER = INDISPENSABLE POUR UNE VENTE
Rentrons dans le vif du sujet avec "la minute Fnaim" qui justifie en sous-couche l'émission (Retirez le concept de vente et ce serait un show de déco comme les autres). La scène de la réévaluation - l'annonce faite à Marina - est un plan séquence central poignant comme la scène du chat dans L’enfance nue de Maurice Pialat ! Je ne résiste pas au plaisir de vous en montrer un appetizer :
Que d’incompréhension dans le regard du couple crédule quand Plazza leur explique qu’il faut baisser le prix pour leur bouse surpayée. Après une tête interdite de 30 secondes, le temps nécessaire à son cerveau pour traiter cette masse de données imprévues, Marina est au bord des larmes. Je vous ai dit que c’était sincère et poignant !
Marina conclut avec sagesse :
- "Le problème c’est qu’on a acheté beaucoup trop cher !"
Sous-entendons : "Bon, on peut s’asseoir sur la plus-value mais on va essayer de limiter la casse. Merci M6 de nous ouvrir les yeux !"
Mais, même en rabaissant de vingt mille euros, pas garanti que le blockhaus au fond des champs se vende facilement. Va falloir investir et redorer, passer du vert fluo au beige kaki (C’est terne et tendance, bien à l’image du moral de France). M6 bouffe vraiment à tous les râteliers. Après les conseils de Valérie Damido pour "ne faire qu’un avec sa déco" et fusionner avec son environnement, ceux de Plaza et de sa décoratrice d'intérieur sont explicites mais complètement opposés : - "Il faut dépersonnaliser !"
Avertissement du CSA : Regarder M6 est contre-indiqué en cas de traitement anti-schizophrénie.
Et c’est parti pour ce qui pour vous ou moi prendrait des mois, mais qui ici prend l’espace d’un demi-clip ambiancé par le Cream de Prince :
La cuisine change de pièce, les murs sont pétés, la déco merdeuse est explosée au burin (comme c’était trop compliqué de planter un clou, Marina a collé au mur les photos encadrées de son bonheur). On abat des arbres en trois secondes et on jongle avec les pavés. Barbatruc ! Le tour est joué ! Pour moins de 3000 euros, Plaza et ses poteaux leur font une belle maison qui n’a plus rien à voir avec l’ancienne (ni avec la prochaine d’ailleurs puisqu'un commentaire pudique nous annonce que le couple retourne en location dans un appartement le temps de «se refaire une santé financière»).
Désemparé par la beauté retrouvée d’une maison qu’elle ne reconnaît même pas, après avoir répété 64 fois «- C’est incroyable», à côté de la plaque et de son mari pas plus expressif, Marina a ce mot merveilleux :
- « Vous avez exactement capté ce qu’on était ! »
Tu l’as dit bouffie !
Elle fait la bise « et plus » a un Stéphane Plazza qui prend sur lui. Même le mari pas fini, s’y met :
- "Tiens Stéphane, je te fais la bise aussi !"
Ce seront ici les seules traces d’affection détectées durant les 52 minutes du sujet. Pas une seule fois, je n'ai décelé un regard complice ou vu ce couple "presque parfait" échanger un baiser ou pire, une marque de tendresse. De la connerie en tonneaux, oui, mais pas d’émotion autre qu'immobilière. Les deux sont aussi froids et "dépersonnalisés" que la redécoration de leur baraque.
Le pronostic de Plazza est arrêté : "La maison va partir !"
Mon pronostic : Un divorce dans les deux ans avec peut-être un deuxième enfant, tentative désespérée pour relancer la machine cassée par une méprise immobilière dans laquelle, malgré la matière première que fournit le couple, M6 ne sera pas pour rien.
Vous me direz : Seb Musset vous êtes méchant avec ces braves gens qui payent comptant leur patrimoine virtuel et leur réédition aux sirènes de la consommation immobilière ! Je vous réponds : Il faut l'être ! Ceux qui achètent sans argent sont aussi coupables que ceux qui leur prêtent ! Non monsieur, il n'y a pas que les grands spéculateurs qui sont à l'origine des crises financières ! Ceux qui se sont fait "spéculés" ont aussi leur part de responsabilité. S'ils faisaient marcher leurs cerveaux un peu plus tôt, ils s'éviteraient des désagréments, on éviterait des crises et, surtout, les prix de l'immobilier ne gonfleraient pas jusqu'à l'absurde entraînant des gens à la rue et, mieux, M6 ne ferait pas d'émission !
Le deuxième sujet du numéro de septembre, plus commun, repose sur le décalage entre les retraités qui vendent aujourd’hui des maisons en lambris surchargé et les jeunes primos-accedants (il y en a encore ?) qui veulent des cuisines graphitées et open space façon M6. Finalement, les faux vieux (ils ont à peine 50 ans) démodés ne sont jamais que les trentenaires du sujet précédent avec vingt ans de plus, soumis à d’autres époques, d’autres influences télévisuelles et d’autres règles du jeu.
Le deuxième sujet possède aussi ses moments FNAIM comme celui où le propriétaire dépité après qu’on lui ai dit que lui et sa maison étaient totalement has been, confesse confiant:
« - Non, ça ne me gêne pas de baisser mon prix de 15.000 euros ».
Comme je suis corporate : On peut voir l'émission ici jusqu'au 28 septembre.
* Je ne sais pas pourquoi quand je vois Stéphane Plazza, je revois la fin des années 80, une Golf GTI, un jeu de dés en peluche qui pend au rétroviseur central et un colossal sticker Oxbow collé sur la vitre arrière. Le tout sur fond de "Démons de minuit" hurlé depuis le radiocassette autoreverse.
Perverse Road, le prochain livre de Seb Musset sort le 4 octobre. Ouvrage prophétique déjà très populaire du palais de L'Elysée aux pavillons des fauchés.
8 comments:
Excellent article, un grand morceau d'anthologie...Je me marre encore même si ces deux personnes me font un peu de la peine.
Pourquoi ne pas recaser le scénario au dessinateur Vuillemin, la double-page serait assez réussie...
Bonne journée.
J'ai souvent (trop?) souri. Mais pas de rire parce qu'ils me font penser au couple de beauf que sont ma soeur et son conjoint.
Parti sur l'ile maurice en 2005, ils cassent leur PEL de 30 000€ (sur deux PEL) pour repartir sur la meme ile 6 mois plus tard, parce qu'ils avaient donné envie à leurs amis d'y aller avec leurs photos - pour vous aider à quantifier la beaufferie, j'ai eu droit à une séance photos titrée : "premier lavage de l'alfa roméo GT" - et il était inimaginable de ne pas y retourner et laisser leurs amis sans "guide" (HAHAHA l'excuse à 2 francs et six sous). Donc voilà , le PEL est dépensé en hotel de luxe hors de prix et tout ce qui va bien avec. Mais que se passe-t-il pendant ces vacances ? Tous les couples d'amis disent avoir acheté récemment. Ha MERDE! Ma soeur ne peut accepter d'etre la seule à paraitre pauvre, surtout que son bon amour gagne bien sa vie comme bonnimenteur. Retour en France, achat du premier truc qu'ils trouvent ( une jolie merde neuve, mal agencée, mal finie etc etc ), et sans apport (souvenez vous du PEL cassé pour 2 semaines de plaisir et 10 ans de crédit supplémentaires).
Toute beauf qu'elle est, j'ai essayé en vain de la convaincre de ne pas acheter sur un coup de tete (les pires achats), et tant qu'à etre propriétaire, autant acheté plus cher pour un bien dans lequel au moins l'on se sent bien. J'ai essayé de lui faire comprendre que seul les très riches -comprendre qui n'achètent jamais à crédit- peuvent se permettre des spéculations sur ce genre de bien. Non non, "les taux d'intéret n'ont jamais été aussi haut
" (j'ai du lui rappeller que papa et maman ont emprunter en 1985 dans les 15% avant de se mettre dans une misère terrible suite à un divorce difficile, et que maman a finit de payer la maison il y a 2 ans sans jamais en avoir profiter car elle fut saisi très vite et à quasiment 60 balais tout espoir d'etre propriétaire a disparu.), et dans 5 ans ils revendraient pour acheter plus grand et mieux ... tous leur potes le font; si c'était si risqué et si incertain, il n'y aurait pas autant de gens a le faire.
Aujourd'hui j'évite le sujet car je sais qu'elle vit mal la baisse, et je ne tiens pas à faire plus de mal.
Mais je l'ai reprise sur une petite chose :
- Elle : "Mais tout baisse, donc ce ne sera pas grave, on revendra et on pourra acheter plus grand, puisque tout baissera!"
- Moi : "mmmhh.. vous vendrez bien en dessou du prix d'achat. Ca ne couvrira pas le pret actuel. Si vous acheter plus grand, il vous faudra sortir encore plus d'argent. Crois-tu que la banque vous pretera suffisament avec un pret en court ?"
- Elle : Silence, et larmes aux yeux, enfin je crois, elle s'est levée prétextant une course à faire ... (dans la salle de bain de merde dont le carlage n'est meme pas droit ).
Je crois que cette crise aura des conséquences mises sous le tapis pour le moment. Certains se réjouissent : "les primo accédant pourront enfin acheter" ... sans parler du manque de liquidité des banques pour octroyer les prets, que dire de ceux qui d'un coup d'un seul vont se sentir passer de l'état tout relatif de riche à celui bien réel de pauvre ?
Mais pour finir sur une note positive, je n'entend plus mes co-workers me demander à chaque pose café : "mais pourquoi n'es-tu pas encore proriétaire avec ton niveau de vie ? Tu as des difficultés financière ? Ce n'est pas normal cette situation, tu ne comprends pas que tu perds inutilement ton argent". Maintenant on me laisse boire mon café tranquillement... enfin presque, j'ai eu droit à un "tu as de la chance de ne pas etre propriétaire, tu parts encore en vacances." J'ai assommé mon interlocuteur impromptu d'un "ouais, en plus sans avoir à économiser une année entière pour les payer les vacances."
Hmmm...tragiques destins.Mais nous serons éclaboussés égalment par tout cette crise qui malheureusement ne fait que débuter.
Bonne soirée.
Gris, c'est gris, il n'y a plus d'esprit !
J'ai finalement pris le temps de visionner le "replay" de m6.
Et oui j'ai beaucoup rit, avec comme summum les tableaux collés sur la tapisserie. Si Mr Plazza n'était pas passé, j'imagine la tete de l'utopique nouveau propriétaire avec les tapisseries arrachées, ou changées.
C'est sur qu'ils n'étaient pas matures comme elle le dit. Ha non, vraiment pas finis ces deux zozos.
Attendre deux ans pour se rendre compte qu'ils vivent dans un taudis et que le jardin ce n'est pas celui du voisin!
Le 4 octobre, c'est bien réglé, j'aurais fini l'avatar bientôt.
la note en fin d'article sur Stéphane Plazza, c'est...tout à fait ça ! ;)
bonne continuation
Ex-tra-or-di-naire !
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