6 février 2023

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Les boomers se cachent pour mourir

J'ai rédigé assez d’articles ces quinze dernières années sur la génération dorée des baby-boomers. Pas la peine d'en rajouter. On les entend partout. Tout le temps. A faire la morale à cette France qui ne travaille. Les pauvres. Ils ont bénéficié de toutes les avancées sociétales, de l’emploi stable, de la réduction du temps de travail, de la retraite à 60 ans et de la cinquième semaine de congés payés, avec des bons salaires. Ils ont pollué comme aucune génération avant et après eux et ont soufflé comme personne dans la bulle immobilière en reléguant les deux générations derrière à s'entredéchirer et alterner des périodes de chômage de masse et de bullshits jobs sous le signe du mal logement, de la flexi-précarité et d’une planète mourante. Pas mécontents de ce triomphe, ils ont remercié la gauche et les syndicats pour leurs combats sociaux gagnés et dont ils ont été les premiers à profiter, en votant systématiquement à droite et en ne pensant qu'à leur gueule. Ils ont érigé en life-style décontracté les mécanismes de spéculation et d’individualisme comme personne avant eux. Aujourd’hui certains se goinfrent encore des pensions de retraite qui feraient saliver les trois quart des actifs (ces derniers payent d'ailleurs pour les pensions de leurs ainés). 

Donc je ne vais pas y revenir. 

Sauf que. 

Et si cette crispation autour de l’allongement du départ de l’âge de la retraite, la colère d’une population se confrontant à la cécité d’un président, sonnait comme un passage de génération ? Elle se pensait et se voyait immortelle, les choses politiques, économiques et fiscales étaient pensées pour et par elle depuis vingt cinq ans mais, ça devait arriver : cette génération disparait. Tel un Michel Drucker sous stéroïdes, elle a eu beau repousser le jeunisme jusqu’aux confins du chimiquement possible, et faire la pluie et le beau temps électoral, l’ère de son dernier poulain Macron est aussi son chant du cygne. Elle laisse derrière elle un champ de ruines idéologique et économique, et nous abandonne comme seule perspective politique de s'acharner à prolonger en coma artificiel, et en bien moins confortable à titre individuel, un mode de vie destructeur pour la plupart. 

Au nom de l'espérance de vie gagnées par cette génération (ou plutôt par les progrès accomplis pour elle), le proooojet de leur petit valet de pisse du Touquet est de faire bosser jusqu’à la mort au nom de la "valeur travail" tout ce qui aura moins de 64 ans (Rappel, l’espérance de vie en BONNE SANTE dans ce pays est de 64,1 ans). Mathématiquement, ça coince. Et ça commence à s'entendre dans la rue dans des manifestations dont les cortèges sont remplis... d'actifs. Les Baby-boomers pouvaient jusque-là faire une élection, ils ne font plus la nation. 

Attention, je n’ai rien contre eux. C'est loin d'être une génération homogène (je vais encore me prendre des commentaires : "oui, ils sont pas tous comme ça". JE SAIS. D'où ma nuance entre "boomers" et "golden retraités" ) mais il y a des réalités statistiques incontournables. Le revenu moyen des retraités en France en 2019 est supérieur de près de 2% à celui des actifs, alors que leur revenu moyen est plus faible. Admettons aussi que, baigné dans le même air du temps et avec les mêmes cartes en main, j’aurais sûrement opté pour le même parcours (sauf voter Macron, ça vraiment c’est de la merde à tout âge). Ajoutons que les nouveaux retraités sont déjà déjà bien moins lotis que les précédents et ils le seront de moins en moins. Hormis par la transmission d’héritage, le golden retraité est un concept du passé. Comme on dit en manif : "les maltraités deviendront les mal-retraités". Ces enfants et petits enfants des boomers aux jeunesses niquées (pas assez d'expérience professionnelle à 18 ans et trop âgés pour "le marché du travail" à 50) sont bien partis pour être niqués sur toute la ligne jusqu’à l’EPHAD (où ils n’iront jamais, l’EPHAD comme les soins médicaux, étant des concepts pour golden retraités : ils disparaitront avec eux). Le pouvoir d’achat des retraités par rapport à celui des actifs va considérablement baisser en France. Les vieux précaires de demain sont les salariés d’aujourd’hui. 

Alors que faire ? 

La réponse est dans la question. Le travail était déjà l’activité la moins rentable du spectre capitaliste (comparé à la bourse, à la spéculation immobilière ou à l’héritage). Avec l’inflation dans laquelle nous nous embourbons, le travail est la garantie de PERDRE 10% de pouvoir d’achat minimum par an. Ne pas espérer ni s'enrichir, ni abonder sérieusement les fonds d'une retraite par répartition quelconque avec des payes de misère. La question de faire quelque chose avant la retraite ne se posera bientôt plus, la réponse sera évidente : Rien. Ou plutôt : ne plus contribuer à cette farce économique qui nous échappe. Se tourner vers soi et la survie de ses proches. "C'est la fin de l'abondance" a dit celui qui s'est fait élire en promettant l'inverse. Il peut s'inclure dans le package, c'est la fin de son système d'exploitation des masses. On voit bien qu'il patine à vide face à l'opposition des trois quarts des Français. Il n'a tout simplement plus rien à dire. La fin du fantasme d'un capitalisme heureux s'installe peu à peu dans les consciences. Dur à reconnaître et surtout accepter (pas facile de sortir d'un mensonge géant). Ça ne continuera pas sans douleur, avec probablement de grands malheurs mondiaux pour nous distraire de nos misères locales, en attendant le reboot s'il a lieu.

Pas génial hein ? 

Oui et non, même si ça s'accélère un peu là maintenant, le processus est long. C'est sûr qu'à l'échelle d'une génération, ça peut paraitre un peu plombant (Après le golden-retraité, il y aura le misère-retraité). Mais, si nous survivons à tout ça (économiquement et climatiquement) il est possible les générations d'après tombent moins sottement que nous dans le panneau du progrès qui n'en est pas un. Ils vivront surement moins vieux mais auront à coeur de vivre mieux. 

On a vu ce que c'était une société de golden retraités. On a déjà donné.

4 comments:

jo cocker a dit…

Il y a du vrai dans votre article, mais pas que.
A 74 ans je suis encore plus radical qu'un jeune adhérent CGT qui vient de prendre sa carte au NPA.
En Mai 68 je suis parti en fausse perm pour faire la course avec les crs à Paris. J'ai morflé mais je leur ai bien mis aussi. Bien qu'ayant commencé à travailler (pas toujours déclaré) à 17 ans, j'ai du attendre 65 ans pour avoir une pension complète qui me permet de payer mon loyer et me nourrir correctement, sans plus, bien qu'ayant cotisé à l'agirc arrco pendant 15 ans et donc loin d'être un golden retraité. Alors c'est vrai que dans ma génération il y a de bons gros vieux connards que j'emplafonnerais bien volontiers, mais pas tous, loin s'en faut, il y en a aussi beaucoup et même trop qui survivent.
Sur ce continuez à écrire, je suis vos articles avec beaucoup d'attention même si parfois (rarement) je n'y adhère pas.

Seb Musset a dit…

Bonjour Jo, je sais bien c'est pour cela que j'hésite souvent à publier ce genre d'articles. Mais je dois reconnaître qu'il est savoureux que le débat se focalise sur maintenant l'emploi des seniors alors que c'était hors des débats depuis 20 ans et lors des précédentes réformes... Merci pour votre soutien, et continuons le combat

Euterpe a dit…

Le truc c'est qu'on pensait exactementla même chose de la génération des vieux d'avant aujourd'hui, ceux nés avant la guerre. Qu'ils n'avaient qu'en tête de concourir à la production illimitée, vénérait le "neuf" et jetait allègrement aux orties certaines valeurs anciennes dignes d'être conservées, ils se ruaient vers le confort, ne pensait qu'à leur standing sans égard pour l'environnement et ils votaient tous à droite. J'ai l'impression que c'est un ressenti perpétuel entre moins vieux et plus vieux. Les générations montantes rendent responsables les générations précédentes de leur misère mais en réalité, il y a, toutes générrations confondues, toujours le même pourcentage d'indécrottables suivistes. L'expérience de Milgram est vraiment l'expérience de mon point de vue la plus méritoire de tous les temps.

Seb Musset a dit…

@Euterpe > Oui en partie. C'est comme la haine des riches, je mets ma main à couper que 90% des gens qui crachent sur les grosses fortunes qui ne partagent pas, agiraient exactement pareil s'ils avaient le même pognon. Ceci dit pour les générations, il y a quand même une donne inédite (en occident) ; on n'a jamais vécu aussi longtemps. Alors ça ne durera pas, mais il fat noter une surreprésentation des classes âgées et plus aisées dans le paysage Français. C'est relativement nouveau (et temporaire).

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