28 août 2014

Gang-Bang à l'Université d'été du Medef

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Chaque année l’université du Medef est ce moment magique où l’on peut voir batifoler dans son biotope, avec macarons sous tente, la fine fleur du fantasme libéral.

Et entre deux tirs sur fonctionnaire, la gueule pleine de petits fours, ça postillonne gras sur le travail trop cher tant qu’il n’est pas gratuit, la fin des 35 heures, la retraite à 102 ans et que le travail des enfants ça serait quand même sympa dans cet environnement concurrentiel mondialisé qui doit pousser ces feignants de français à prendre un peu sur eux. Et le patron repu (oui, le patron de PME est là pour la déco) pleurniche des larmes de champagne sur notre régime communiste tortionnaire n'ayant versé que quarante milliards de cadeaux fiscaux à ce martyr des temps modernes à qui, en plus, il a osé suggérer d'embaucher. (La présence où non d'un salaire assorti à cette embauche n'a heureusement pas été précisée lors de la signature sur un bout de nappe en papier à la fin d'un repas fortement alcoolisé).

Cette année Pierre Gattaz avait donc arboré son pin’s 1 million d’emploi (édition spéciale "dans ton cul, je l'ai fabriqué aux Etats-Unis"), seule contrepartie visible du pacte de responsabilité (subvention pure et simple, et sans retour, de l’entreprise financée sur le dos de la collectivité) concocté sur un plateau doré par notre gouvernement qui, décidément, a le sens du peuple et des mathématiques comme nul autre avant lui.


Fraîchement boosté par la valse de rentrée au gouvernement et l’arrivée du banquier beau gosse qui a gagné des millions Macron à Bercy, ce n’est donc pas un discours social-libéral, ni sociétal-libéral, mais bien libéral-libéral, tendance porno allemand, que le Premier Ministre a livré face à un parterre visiblement satisfait par cette fellation collective.

Le seul avantage de cette confirmation de tendance (au point où nous en sommes, nous reprocherons juste à François Hollande d'avoir mis autant de temps à trahir son programme), c’est qu’elle coince la droite dans les cordes. En effet, elle n’est jamais allée aussi loin (au pouvoir) dans la soumission aux dogmes libéraux. La droite va pouvoir désormais se consacrer à ce qu’elle sait faire le mieux : se palucher sur les pages de Valeurs Actuelles et défiler dans la rue avec des crucifix en appelant à bouter Satan hors de Gaule.

En attendant la merveille sociale et économique qui nous attend (à peine une journée en poste et le loup de Bercy peste déjà contre les 35 heures) nous nous divertirons en lisant les tweets effacés de Manuel Valls.

Illustrations : source, Wolf of Wall Street (M.Scorcese,2013)

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26 août 2014

Ceci n'est pas un exercice

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Quelle rentrée de merde mes enfants !

Après un été pourri sur le front de l’info mondiale et de la météo locale (même la 25e saison de Fort Boyard est vraiment en-dessous de tout), voilà que notre gouvernement réussi à saper encore un peu plus le moral de ce pays. J’étais presque décidé à reprendre la rédaction de ce blog en cherchant à défendre dans l'action gouvernementale (si si, reste des trucs). Et patatras, le lundi même où j’allais m’y mettre, un flash de France Info me stoppe net.

Passée ma fausse joie en entendant sur les ondes nationales et dans la même phrase les mots Valls et démission, je réalisai pas même blasé que le Président suivait en fait à la lettre son Manuel du parfait ratage sociétal-libéral[1], chapitre chantage, en tançant l'intégralité de son gouvernement pour les récents propos de Montebourg contre la ligne politique décidée par le Président. Il faut croire que François Hollande n'avait donc, jusqu'ici, jamais écouté son ministre de l'Economie, et que Montebourg ignorait tout de l'action du gouvernement auquel il participait. Le Président ne supporte plus de traverser en solitaire la tempête des mots de travers et, à défaut de pouvoir faire le beau temps et le beau temps, montre qui est le patron (après Pierre Gattaz bien sûr). Quand les cadres dirigeants s'ennuient, virer quelques subalternes ça détend toujours un peu, ça amuse la galerie et ça ne porte pas préjudice à l'activité.

Il n’en fallait pas plus pour alimenter le grand feuilleton de la rentrée [Mode conspiracy on/l'annonce de la démission collective du gouvernement arrivant le matin même de la rentrée de la majorité des médias/Mode conspiracy off]. Beaucoup de bruit pour rien, de la parlote pas chère, du suspens en balsa avec des jingles à la Gozilla marche sur Hollywood plus une cascade de directs satellites à 1000 boules la minute sur des perrons vides : les chaines d’info adorent les remaniements gouvernementaux. Et Pourquoi Jean-Michel Baylet a mis son costume du dimanche ? Et Bernard Tapie va-t-il revenir ? Selon ses informations Michael Darmon serait ministre de l'Information, est-ce crédible ? Et pourquoi Valls fait sa loi dans le triangle de Matignon-St-Honoré-Beauvau alors qu’il a fait un score minablissime à la primaire socialiste ? [2]. Alors Christophe Barbier, est-ce une crise de régime ? Une crise politique ? Des Chrysanthèmes ? Vous reprendrez bien un Krisproll Christophe ?

J’ai assez critiqué la pratique du sitcom permanent sous Sarkozy pour retomber dedans. Chacun se contre-branle copieusement du remaniement, encore plus aujourd'hui avec un pessimisme social au plus haut et une déflation qui se profile [3]. Et cet énième jeu de chaises musicales (avec de moins en moins de participants) ne va pas arranger ce sentiment de lassitude. Même Montebourg se carbonise au grand jeu du quel ministre ou ex ministre, potentiellement présidentiable, fera le plus de buzz à la rentrée ? alors qu'il était porteur d'une vraie parole (seul domaine où il excelle encore).

Comme vous, tout ceci me fatigue, m’exaspère. De la pitoyable danse du ventre au patronat, aux promesses non tenues en passant par ces personnalités pleines de promesses se fracassant avec plus ou moins de panache sur le mur de leur ego, je n’ai absolument plus envie de commenter l’actualité de ce quinquennat ressemblant dans les grandes lignes économiques, mais en version téléfilm moldave, à celui d’avant. Si je ne les regrette absolument pas, les années Sarko avaient au moins le mérite de recréer de la mobilisation et un vague désir de gauche. Ici, tout est désespérant du sol au plafond. En prime, le socialisme est flingué pour vingt ans. A la sclérose idéologique de ce pouvoir ensuqué dans des recettes économiques d'un autre siècle qui ne marcheront jamais (couvrir de de milliards les grosses entreprises en espérant des millions d'embauche n'est pas une ligne économique viable), va s'ajouter désormais le feuilleton de la prochaine présidentielle. Et le pouvoir là dedans ? L'action politique ? L'amélioration sociale ? L’intérêt collectif ?

Rien. Une petite gueulante de temps en temps et puis c'est marre. Une privatisation rampante de tout. Au mieux, une préparation mentale (avec moins d'hystérie que sous Sarkozy) au grand "démerdez-vous" qui s'installe année après année dans ce pays à force de travail au noir, de petits boulots, de salariat low-cost et de stages gratuits, d'indécences patronales et de self-exploitations auto-entrepreunariales.

Allons, ce n'est rien. Juste le blues de la rentrée. Juste un mauvais moment à passer.

Continuons la lutte camarades. 


[1] sobrement intitulé Comment trahir ses électeurs, tout en faisant une politique ringarde et sans souffle, pour faire l’unanimité contre soi jusque dans ses propres rangs et fièrement gagner 0.2 % de croissance en 5 ans de sacrifices ?  Fiasco éditeurs, 2012. (Réédition actualisée de 2007 et 2002)

[2] Au temps pour moi, celle-ci n’est pas posée.

[3] Rappel. L'inflation à la française, c'est l'augmentation de tout sauf des salaires.
La déflation à la française, c'est la baisse de quelques trucs comme les pastèques, les capotes et les salaires.

Illustration : source

14 août 2014

Des lendemains qui chantent

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Comment est-on passé de l'espoir suscité le soir du 10 mai 1981 au cauchemar du 21 avril 2002 ?

Cette question est la toile de fond de la comédie de Nicolas Castro Des Lendemains Qui Chantent (sortie le 20 août).

Deux frères "montent à Paris" au début des années 80. Olivier (Pio Marmaï) est un jeune homme de gauche attaché à ses convictions. Il croit au Grand Soir avec Mitterrand au pouvoir. Léon (Gaspard Proust) est un trostkyste, tendance ambitieux, qui n'attendra pas le "tournant de la rigueur" pour se reconvertir dans la ´com. Il sera, dans l'ombre, à coups de slogans, un des artisans du vrai "changement" : celui de la conversion joyeuse de la gauche des idées à la gauche de marché.

Le réalisateur, Nicolas Castro, à potassé l'époque. Tout y est : de l'éclosion du Minitel rose, à la starification médiatique de Bernard Tapie en passant par la création de Touche Pas À Mon Pote sur un coin de table, les playmates du Collaro-show et la dérive libérale de la presse de Gauche (Deux scènes d'anthologie avec Serge July et Laurent Joffrin). Se mêlent au rythme d'une comédie sociale italienne (entre Dino Riso et Elio Pietri) petite et grande histoire jusqu'à la fusion via une savoureuse utilisation des images de L'INA où sont intégrés les comédiens. Le film rappelle à la fois Le Nom Des Gens, dont il est en quelque sorte la préface, ou encore Boogie Nights de PT Anderson dont la ligne et le projet sont proches (Anderson narrait la grandeur et la décadence d'une star du porno dans une industrie en pleine mutation technologique dans les années 80, Castro traite des illusions perdues du militant face à un gouvernement entrant joyeusement dans la soumission à l'argent et au marketing.

Des Lendemains Qui Chantent n'est pas un film à message. On y trouvera pourtant de nombreux échos avec la situation presidentielle actuelle, notamment sur la question posée en introduction : comment sommes nous passés de l'utopie de mai 81 au cauchemar d'avril 2002 ?

A ce sujet, le film est aussi limpide que drôle : en trahissant les idées pour lesquelles on a été élu.


[message de service] Une bière offerte à celui qui m'expliquera comment intégrer des vidéos depuis l'application Blogger pour IPhone. 

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