12 juillet 2013

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De la difficulté à répartir les tâches et changer les couches

 
J'avais le choix pour ce petit coucou au cœur de mon absence du blog (pour de bonnes raisons croyez-moi) : évoquer le retour de Nicolas Sarkozy ou le caca. 

J'ai choisi le caca.

Ces jours-ci une micro polémique est née sur au sujet du projet de loi sur l’égalité homme / femmes de Najat Vallaud-Belkacem. Le texte propose entre autres une réforme du congé parental (actuellement il peut s'étendre pour la femme jusqu'à la troisième année de l'enfant, dès le premier enfant). La ministre des droits de femmes réaménagerait ce congé avec 6 mois supplémentaires pour l'homme. Il n'en fallait pas plus pour provoquer le courroux beauf du patriarcat hexagonal terrorisé par toute brèche dans l'empire du chibre (et s'occuper de son enfant c'est quand même pas un boulot de mec, où va s'arrêter après ? On va quand même pas faire le ménage non plus !). 

Le classieux polémiste Eric Zemmour lui conseille ainsi de "s'occuper de ses fesses" en rappelant que le rôle de père doit se circonscrire à un rapport éducatif viril à base de baffes dans la gueule entre 16 et 16 ans et demi. Plus étonnant, la secrétaire générale déléguée de l'UMP (enfin l'une des 30, après on s'étonne que le parti soit en faillite), Valérie Pécresse, considère que l'homme à mieux à faire que changer les couches de son enfant. 

En témoigne ce petit échange entre l'ex ministre et votre rédacteur, recordman 17 secondes 2 dixièmes au changement de couches les yeux bandés au Pampers beach masters de Pampelonne. 

(En fait, Valérie Pécresse propose tellement de développer le congé parental des pères, qu'elle veut l'interdire pour le père et la mère au premier enfant.)

C'est bien parce que cette proposition de loi heurte une résistance culturelle dure (en langage technique, le couillotropismeque la droite la résume aux couches souillées. Elle balaye en fait bien plus largement la question du rapport du travail et de la vie familiale, ainsi que de la répartition des tâches domestiques à la maison (équivalant souvent pour les femmes à un travail à temps partiel en + de leur emploi avec en moyenne 4 heures par jour, soit 1h45 de + que leurs conjoints). Ceci expliquant peut-être que la Ministre devient le punching-ball tranquille de la droite dans son ensemble (et même de la gauche parfois). 

NVB, le 11 juillet 2013. 

Comme souvent, le buzz évacue le contenu du texte de loi. J'en rappelle les grandes lignes en fin de billet. 

Sur le congé parental, le constat est implacable:

- En moyenne, les femmes qui ont un enfant voient leur rémunération décrocher de 10% par rapport à celle des hommes

- 96% des bénéficiaires actuels de la prestation qui finance le congé parental (CLCA) sont des femmes. 

- Les hommes ont renoncé à 30% à prendre un congé parental par peur d'un effet défavorable sur leur travail ou leur carrière (même l’aménagement d'un temps partiel est encore mal vu dans les entreprises, et très compliqué dans les TPE). 

- Les mères sont plus souvent freinées par l'aspect financier (39%). 

- C'est souvent le salaire le plus bas du couple qui s'arrête de travailler et comme la cascade des inégalités est cohérente (la rémunération des femmes est en moyenne inférieure de 27% à celle des hommes), c'est la femme qui s'y colle (et cotisera moins pour sa retraite du coup, et paf double peine !). 

- Après la naissance d'un enfant, une mère sur deux arrête son activité professionnelle contre un père sur neuf. Toujours selon l'INSEE (n1454, juin 2013), la moitié des pères (et trois quarts des mères) qui n'ont pas pris le congé disent qu'ils auraient pu être intéressés. 

Rééquilibrer progressivement le partage du temps et des responsabilités entre l'homme et la femme va évidemment dans le bon sens. A noter qu'un congé parental peut se prendre à temps partiel. En plus, il s'articule ici d'une création nette de 100.000 places de crèches (lé congé s'est développé face au déficit de places) et 75.000 solutions d'accueil supplémentaires à l'école maternelle (275.000 en trois ans). Il y a le contenu de la loi d'un côté, et aussi le message contribuant à changer les représentations figées que l'on se fait du rôle de chacun. Ce message est clair : n'ayez pas peur d'être un père impliqué dès le départ, ne sacrifiez pas votre vie professionnelle en étant mère, rééquilibrons le job au sein du couple.

Dans ce domaine, malgré la loi de Najat Vallaud-Belkacem (dont on pourra évaluer les premiers effets sur le congé parental masculin d'ici un an ou deux), il restera encore de la marge. Que Zemmour, seigneur du domaine conjugal, prince de la torgnole et tuteur de mes couilles, soit rassuré !


Les grandes lignes du projet de loi (à la rentrée au Sénat). Texte à consulter ici.
- Réforme du congés parental (avec aménagement pour les collaborateurs-trices libéraux)
- Interdiction de soumissionner aux marchés publics pour les entreprises qui ne pourront justifier du respect de leurs obligations légales en matière d’égalité. (Ca, ça va faire mal).
- Garantie contre les impayés de pensions alimentaires. (40% des pensions alimentaires ne sont pas ou mal versées, et cela touche 9 fois 10 des femmes). En plus de la prestation la CAF se retournera contre le débiteur avec des moyens coercitifs qu'une femme isolée n'a pas.
- Renforcement de la protection des femmes contre les violences conjugales, avec notamment la généralisation du téléphone grand danger.
- Renforcement de la parité : doublement des amendes pour les partis politiques hors la loi, extension de la représentation équilibrée à tous les établissements publics.

Articles connexes :
- Passe ton bac d'abord

Illus : Seb Musset

8 comments:

Fred Camino a dit…

Etonnant de voir la droite qui nous bassine de la famille idéale à toutes les manifs mépriser un sujet aussi important.

Euterpe a dit…

En Suède, un père a créé une assoc' pour encourager les autres pères à prendre les congés parentaux et les initie aux tâches puéricultrices. Il est très motivé. Grâce à lui et à une longue politique suédoise en matière de partage des congés parentaux, la Suède n'est pas loin d'être exemplaire dans l'UE dans ce domaine.
http://europa.eu/epic/countries/sweden/index_fr.htm

Toutatis a dit…

En fait c'est beaucoup plus simple que ça. Le parent qui gagne le moins prend le congé parental (eh oui on a besoin de fric).

Rafo a dit…

"Ce n'est ni à papa, ni à maman de changer les couches, mais bien aux domestiques".

Tu m'as tué, là :D:D:D

Seb Musset a dit…

@Toutatis > Je le dis dans le texte. Mais il y a bien résistance culturelle. Exemple chez les cadres, ou les différences de revenus H/F sont moindres (env 4%)mais les chiffre des partages de congés sont les mêmes que chez les revenus plus faibles avec de forts écarts H/F. Bref, un cas d'égalité dans l'inégalité.

Toutatis a dit…

C'est vrai, et c'est renforcé par le fait que souvent encore l'homme est plus agé que la femme dans les couples donc est plus avancé dans la carrière, donc gagne plus, donc c'est lui qui va continuer à travailler.
Un paramètre très important aussi est la profession. C'est beaucoup plus cool quand on est fonctionnaire, et encore plus enseignant (profession très fortement féminisée).


Leuloup a dit…

"l'homme est plus agé que la femme dans les couples"
C'est vrai, mais de seulement 2 ans maximum en France! Je ne pense pas que cela ait une grande influence sur les rémunérations moyenne...
Pour rappel dans les cultures patriarcales (Chine, Indes, pays Arabes, pays Maghrébins, Allemagne et Japon), la différence peut atteindre 10 ans en moyenne! Par rapport à l'immense majorité des pays, la France reste un pays franchement égalitariste, même sur le plan homme femme. Quand on voit ce que cela donne, il y a de quoi être franchement pessimiste pour le reste du monde...


Pour revenir à notre sujet, quand je regarde autour de moi, force est de constater que ce sont les femmes du couples qui veulent garder l'enfant et s'arrêter. Mon couple est la seul exception que je connaisse :) Malheureusement cela fini par pénaliser injustement les femmes qui souhaitent continuer à travailler, mais également les hommes qui souhaiterais s'arrêter ou passer à mi temps.

Anonyme a dit…

Le congés parental n'est jamais rien d'autre qu'un cache-misere pour compenser le manque de places en crèche.

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