8 mars 2011

Une France sans futur ?


Tout a été dit sur le sondage qui fait "trembler" les Français et doucement sourire les partis installés, à moins que ce ne soit l'inverse. La menace Le Pen n'est pas un scénario nouveau, mais c'est toujours payant. Si ce sondage plaçant Marine en tête au premier tour des présidentielles est dans la parfaite continuité du soap-opera visant à faire de la fille du fiel, la Florence Foresti de la politique, le résultat reste démoralisant même pour un blasé de l'exercice. Il pose d'autres questions angoissantes : 

Quel est le plus dramatique ? Une droite qui drague (et rate) l'extrême droite ou une gauche ne cherchant pas à séduire sa gauche ? 

Quel est le plus inquiétant ? L'invasion fantasmée d'arabes qui ont attendu de détrôner un dictateur au péril de leur vie pour s'expatrier dans notre dynamique contrée pétaradant de confiance et de projets, avec sa croissance Lagardienne à trois chiffres, ou, le fait que la tranche d'âge ayant le présent et l'avenir les plus enviables chez nous a entre 60 et 105 ans ? 

Quel est le plus déprimant ? La perspective d'une Marine Le Pen à L'Elysée ou la possibilité d'une extraball de cinq ans pour le chef de gang de la mafia de Neuilly pourtant à 20% de popularité ? 

Même si on peut discuter de sa méthode, ce cliché-sonde va comme un gant au climat du moment. Le plus percutant est ce qui n'y figure pas : la perspective d'un avenir bandant.
Etat des lieux 
(pour les chanceux ayant raté les premiers épisodes).  

Deux France en 2011. Celle qui possède, qui jouit et celle qui subit, trime, stresse ou s'ennuie. Et là on ne parle pas que d'hyperriches ou d'hyperpauvres mais bien de cette confusion des standings entre les générations parmi les "classes moyennes", thématique mille fois abordée ici. Le modèle des parents (patrimoine, bons salaires, retraites confortables, suivi médical constant et bonne santé...) a maintenu langue pendante depuis dix ans la génération des enfants qui n'a pu s'en "offrir" la partie matérielle  qu'au prix d'un endettement massif (plein de frais cachés) et d'une soumission à un salariat en pleine destruction avec des conditions de travail pourrissant à vue d'oeil. Tout cela ne tenait que sur la promesse d'une amélioration, d'un enrichissement :  synonyme formaté du bonheur sur terre (racines chrétiennes my ass, personne ne paye son crédit ni son nouvel heil-phone en psaumes, la vraie croyance commune c'est le pognon). Cette génération réalise péniblement (non, 4 heures de mongoleries télévisuelles par jour ça ne favorise pas l'éveil) l'impasse dans laquelle elle s'est fourvoyée, d'où la remontée, O surprise, de la thématique du "déclassement". A défaut d'être traitée par d'autres, le FN la récupère, pour l'instant, à moindre frais.

D'un côté, tu as donc le golden-retraité qui vote systématiquement (droite ou candidat le plus apaisant à gauche, non je ne regarde personne) pour la sécurisation de ses acquis (le Monarque l'a compris) et, de l'autre une classe active de trentenaires, quadras, s'auto proclamant "dégoûtée" de la politique, mais qui, de par son comportement individualiste, sa soif de consommer, de s'endetter ou son relatif plébiscite de l'auto-entreprise renforce depuis dix ans le discours de droite (et au final le vote), savonnant  jusqu'aux tréfonds de sa conscience la planche idéologique qu'elle dégringole aujourd'hui

Les autres : seniors fauchés, jeunes précaires ou quinquas entre-deux sont discrètement mis sous le tapis, sortis des statistiques, au chomdu, en caravane ou à la rue : tout le monde s'en tape, ils ne votent pas

A gauche, à droite pour 2012 : tout indique pour le moment que l'on fait, encore une fois, en se basant sur la pyramide des âges et la répartition du pognon, le pari de parler à La France des possédants[1]. 

Dans cette optique, l'axe à droite est, comme d'hab, celui de la peur : peur des impôts qui augmenteraient avec la gauche, peur des arabes qui viendraient piquer nos boulots (alors que, et ce serait cocasse si ce n'était pas si con, l'on parle majoritairement ici à des retraités ou des rentiers) et désormais peur de la peur via la menace Marine. 

Pour les socialistes,  la ligne jusqu'à présent semble être de capter les 5 ou 6% de CSP+ déçus du Monarque qui vont les faire gagner. Etant entendu (selon eux) que la gauche de la gauche à qui ils délèguent les salissantes thématiques sociales, se ralliera au second tour. Ce sondage va, peut-être, changer les choses.

Dans ce contexte de défiance envers le politique (au-dessus des contingences de la justice et du plein d'essence) où les candidats des "partis de gouvernement" peinent à se déclarer, n'osent pas défendre un bilan (à droite ça se comprend), pas même un programme (à gauche ça se comprend moins vu le boulevard), et alors que Marine Le Pen bat le record de présence sur plateaux TV d'un Rioufol ou d'un Zemmour (qui ont tapissé le terrain) et qu'elle bénéficie d'une dynamique d'outsider ("hors système" mais dans le système média) l'autorisant à dire à peu près tout et n'importe quoi sur n'importe quel sujet au prétexte qu'elle n'a jamais eu le pouvoir : la montée de l'extrême-droite est logique.

Et pourtant... on n'entend pas plus chez elle que chez les autres ce mot simple qui fera gagner les élections à celui qui le prononcera avec conviction"futur" 

Révélé par un sondage renforçant ce sentiment : c'est d'un "No Future" généralisé dont crève ce pays à petit feu. 

Tant qu'il n' y a pas de perspectives, innovantes et censées (sur le logement, les salaires, la répartition des ressources, les services publics, la place de l'argent...) avec des échéances précises, cohérentes, comprises de tous et un contrôle citoyen : la prime ira à l'incertitude, à la peur de perdre, donc à la peur de l'autre. Quel que soit le parti élu : le pays, au pas idéologique d'une gérontocratie dominante prête à sacrifier les plus jeunes pour conserver rentes et acquis, continuera à enfouir sa tête dans une gloire d'antan, pas plus connectée au monde d'aujourd'hui qu'à celui de demain.  

Le temps qu'on lui fasse les poches, La France des moyens, aussi apeurée de l'immigré que du voisin d'en face, se claquemurera dans son pavillon sécurisé pour lequel elle s'endettera bientôt sur deux générations, jouant au "riche" pour exorciser sa terreur de devenir pauvre, rejetant hors de sa vue au fil des plans sociaux, des licenciements et des surendettements, les montagnes de précaires que ce mode d'exploitation, profitable au politique sans projet, continuera de générer.

Les plus jeunes, eux, quitteront d'eux-mêmes ce pays vitrifié dont les centres-villes sous cloche, musées et parc à nantis, feront le bonheur des touristes de la classe moyenne chinoise.

Et un jour, pas si lointain, nos enfants écoeurés par la petitesse de leurs aînés, s'expatrieront, si on les accepte, vers les terres d'abondance, de jeunesse et d'opportunités...

...de l'autre côté de la Méditerranée.


P.S : Et merde, je voulais faire un billet optimiste.



[1] La ruse du crédit étant de te ranger d'entrée dans le camp des "possédants" alors que tu appartiens à la banque. 


Illustrations : Le paquebot France, au large d'une plage indienne, quelques années avant sa mise à la ferraille. / The Economist

16 comments:

Anonyme a dit…

Le paquebot France, belle illustration, avec plein de niveaux de lecture. J'aime bien le niveau "mais comment as-t-on pu créer un engin pareil", qui consommait plusieurs centaines de tonnes de fuel par jour, après améliorations (le chiffre avants transformation France > Norway n'est pas sur wikipédia, mais çà doit forcément être plus).
Ca laisse clairement songeur quant à la consommation, aujourd'hui, des transporteurs géants bardés de containers remplis de palettes chargées de colis tous pleins de chinoiseries.

Anonyme a dit…

salut Seb

Je pense que le mouvent d expatriation a deja commence. Il n y a qu a voir le nombre de jeunes diplomes qui quittent la france (qui ne leur offre rien a part un stage a 300 €/mois)

Par contre, je pense pas que ca soit un jour prochain qu on verra une expatriation vers le Maghreb. Pour offrir un avenir, il faut quand meme que le pays
1) soit bien gere (et c est pas gagne pour la tunisie ou l egypte. je parle pas du maroc ou de l algerie)
2) ait des infrastructure potable. Le notre se degradent doucement mais elle sont encore en meilleur etat que les leurs

Pour 2012 tout n est pas perdu, on peu avoir une bonne canicule cet ete ;-)))

Seb Musset a dit…

@anonyme 1 > A vrai dire, c'est une idée de Michel Sardou.

@anonyme2 > c'est une pirouette, mais l'idée est là. Et en 10, 12 ans, qui sait...

Gildan a dit…

"...candidat le plus apaisant à gauche, ..."
T'es sûr que tu ne regardes personne?
:)
...
Ça fait du bien les "Sex Pistols"!

GdeC a dit…

@seb : en queqlue sorte, ton billet l'est (optimiste) : il confirme le besoin d'un projet de société utopiste qui nous fasse miroiter un autre monde possible, moins recroquevillé sur lui-même que ceux que nous présentent la plupart des partis. ce besoin d'utopie existe, il nous faut l'inventer, dans l'intérêt de tous... Notre monde meurt du manque de projets humanistes, qui nosu réconcilie avec l'ensemble de la société, et qui ne confisque pas les ressoruces collectives au seul profits d'intérêts eprsonnels si limités...

Anonyme a dit…

bien torché le billet, mon gars!

claribelle a dit…

"Tout a été dit sur le sondage qui fait "trembler" les Français et doucement sourire les partis installés, à moins que ce ne soit l'inverse"

Je dirais même plus "qui fait doucement sourire les Français (et pan sur les partis installés) ET les partis installés (contre MLP, je suis sûr de gagner les doigts dans le nez)!

Je crois que l'UMP et le PS rêvent d'un nouveau 21 avril qui les fasse élire "dans un fauteuil". Reste à voir si ça marchera une deuxième fois...

Tassin a dit…

Comment dire... j'aurai pas dit mieux!

Toujours aussi lucide Seb. Tu arrives à mettre les bons mots sur ce qu'il me trotte dans la tête tous les jours.

Je trouve que GdC a raison sur le côté optimiste de ton billet. Le problème, c'est que c'est pas en 2012 que ça va changer.

Je reste sur ma théorie du FN gagnant en 2017 si DSK est élu, le "moyen" un peu dépolitisé ayant voté un coup UMP un coup PS se trouvera tout con après 10ans de politique anti-sociale et votera colère : Marine 2017.

Nouvel Hermes a dit…

Beau billet! J'aurais aimé l'écrire.

Anonyme a dit…

Mais bien sûr, si la France est dans cet état, c'est sûrement la faute de Marine Le Pen, ou de son père!

Ca c'est de l'analyse!

"ça" ou pas d'avenir! Mais c'est Marine Le Pen qui joue avec la peur. Ben tiens, mon cochon hallal.

"Plus c'est gros et gras, plus ça passe". A qui doit-on envoyer les droits d'auteur?

Sinon, depuis le temps que les Français réclament le changement, va-t-on lui tourner le dos en jouant les conservateurs figés dans la naphtaline depuis 40 ans?

Les Français auraient-il peur de l'inconnu? Seraient-ils repliés sur eux-même? Blablabla, nia nia nia, je connais le discours mieux que les fables de La Fontaine.

Il est poilant de retourner le discours tenu par la pensée unique depuis 20 ans contre ceux qui le professaient aux "Essestrêmisteux".
L'arroseur arrosé, rira bien qui rira le dernier, et la caravane passe.

Un autre Séb.

Unknown a dit…

J'y vois plutôt des causes de révolution plutôt que d'expatriation.

Je ne vois pas vraiment ni pourquoi ni comment des Citoyens laisseraient leur essence même = la propriété pleine et entière de leur nation.

Il suffit à cette génération de se lever et de prendre ce qui est à elle, en ignorant superbement les vociférations des morts-vivants.

Sans haine, ni peur, ni violence.

Simplement se lever, et tenir la terre dans ses mains.

Ju a dit…

Je suis peut-être trop loin et depuis trop longtemps pour comprendre mais j'ai l'impression (en lisant la presse en ligne, en parlant avec les gens) que quand un socialiste, qui est dans mon idée un parti de gauche, va tenir des vrais propos de gauche, il va se faire brocarder parce que non, il ne faut surtout pas vexer le centriste ou l'indécis, des fois que... ou pour une autre raison qui m'est inconnue.

Anonyme a dit…

comme d'habitude un régal visuel alors que je ne prends pas de lcd tv.

Seb musset is my prophet...
Grand francois est mon roi!


La droite et la gauche (les autres aussi) font partie d'un même corps

(politique onglet ENA sciencepo download)

par le même cerveau

(argent clique banque puis loading)

au final deviner...la fin

Vive 2012 votons l open of REVOUTION
lieu: PARIS
Venez nombreux

cybfil a dit…

"Les autres : seniors fauchés, jeunes précaires ou quinquas entre-deux sont discrètement mis sous le tapis, sortis des statistiques, au chomdu, en caravane ou à la rue : tout le monde s'en tape, ils ne votent pas."

Ouais je suis dedans, mais j'ai tjrs voté depuis 1981, mais je reconnais m'être bien fait En*** !!!
Pace Salute fil.

BA a dit…

La République est plutôt bonne fille avec les ex-ministres qui ont quitté le gouvernement. Ceux qui ne sont pas députés héritent souvent de postes prestigieux.

Michèle Alliot-Marie va pouvoir retrouver son siège de député sans être réélue. Ce que lui permet la loi, ainsi qu'à tout ministre quittant un gouvernement. Auparavant, ils devaient se soumettre au suffrage des Français lors d'élections législatives partielles. Ils ne se privent presque jamais de profiter de cette automaticité.

Ce fut le cas auparavant de Christian Blanc, éjecté du gouvernement pour cause d'achats dispendieux de cigares.

Mais aussi de Xavier Bertrand, qui avait quitté le ministère du Travail, ou d'André Santini, à la Fonction publique. Cela leur permet de retrouver, en cumulant souvent avec un mandat local, une rémunération de 8 700 euros par mois, à laquelle s'ajoutent de nombreux avantages.

Seule l'ancienne ministre du Logement, Christine Boutin, avait renoncé en 2009 à retrouver son siège de députée des Yvelines après son éviction du gouvernement, pour mieux accepter une mission sur la « dimension sociale de la mondialisation », rémunérée plus de 9 000 euros par mois, somme à laquelle une polémique l'a poussée à renoncer.

L'attribution de missions est d'ailleurs devenue une forme de compensation assez courante.

Michel Rocard et Alain Juppé en ont bénéficié en leur temps.

C'est aussi le cas du maire de Sarlat et ancien ministre de l'Outre-Mer, Jean-Jacques de Peretti. Il s'occupe depuis janvier d'une mission sur la mise en œuvre de la réforme des collectivités locales. Il a été pour cela détaché du poste de conseiller d'État auquel il a été nommé en 2006. « Je ne perçois aucune rémunération supplémentaire pour cela. J'ai simplement un bureau qui m'est attribué », assure-t-il. Le rapport sera rendu en juin.

D'autres choisissent aussi de devenir avocat. C'est par exemple le cas de l'ex-ministre des transports, Dominique Bussereau, qui donne également un cours à Sciences Po Paris. « J'attends la réponse du barreau de Paris. Je veux aider nos entreprises de transports à l'exportation dans des pays où j'ai eu l'occasion de les accompagner. Mais je respecterai la déontologie en n'intervenant pas sur le terrain national, afin d'éviter tout conflit d'intérêt. »

Mais, pour de nombreux ministres, l'avenir passe aussi souvent par des nominations de prestige. Elles leur permettent de retrouver des rémunérations autour de 10 000 euros par mois (plus ou moins selon les postes) et un certain nombre d'avantages.

Xavier Darcos a ainsi été nommé ambassadeur et administrateur à la tête de l'Institut français. Il n'a pas souhaité répondre à nos questions.

Silence également du côté de Philippe Douste-Blazy, secrétaire général adjoint des Nations unies, chargé des financements innovants depuis 2008.

Tout comme Rama Yade, promue à 34 ans ambassadrice de France auprès de l'Unesco - ce dont se sont offusqués plusieurs ministres, dont Luc Ferry, qui a officié à l'Éducation nationale. Elle n'est pourtant pas la seule.

Fadela Amara a été nommée inspectrice générale des Affaires sociales ; Roger Karoutchi, ambassadeur auprès de l'OCDE.

D'autres avaient aussi bénéficié avant des largesses de l'État. Par exemple Jean-Jacques Aillagon, en tant que président de l'Établissement public du château de Versailles, ou Martin Hirsch, président de l'Agence du service civique.

http://www.sudouest.fr/2011/03/11/les-anciens-ministres-bien-recases-339113-652.php

BA a dit…

DSK loin devant, Marine Le Pen au second tour, Sarkozy éliminé.

Notre sondage CSA place Strauss-Kahn largement en tête du premier tour de la présidentielle. Mais Marine Le Pen fait un score de 22 % en moyenne quels que soient ses adversaires.

Quant à Nicolas Sarkozy, il serait éliminé du deuxième tour s'il était opposé à DSK.

Voilà un sondage qui réjouira le PS, et principalement Dominique Strauss-Kahn. Selon l'enquête de l'institut CSA, le directeur général du FMI arriverait largement en tête du premier tour de la présidentielle avec 30 %, loin devant Marine Le Pen (21 %), et surtout Nicolas Sarkozy qui ne serait pas qualifié pour le second tour avec 19 %.

Une sorte de 21 avril à l'envers. Un scénario cauchemar que certains redoutent à droite. « La rupture est totale entre Sarko et les Français », commente un responsable de la majorité.

Pourtant, le Président continue à affirmer à ses visiteurs qu'il « est le meilleur rempart contre l'extrême-droite ». Notre sondage a tendance à prouver l'inverse.

http://www.ladepeche.fr/article/2011/03/12/1033449-DSK-loin-devant-Sarkozy-elimine.html

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