3 janvier 2011

Au bon bug


Les Français dépriment. Cette année va encore moins leur rapporter et coûter plus. Alors, pour se remonter le moral, et parce que c'est tellement la fiesta ce réveillon qu'il faut que j'envoie un texto à Tata, le 1er janvier 2011 à 0h01 : ils échangent des voeux de bonheur et de prospérité sur leurs intelligents-téléphones dernier cri.

Des smeusses quoi. 

Smeusse : message à orthographe criminelle.  A coût quasi nul pour l'opérateur, lui permettant de dégager de très belles marges.

Si la confusion règne d'une rédaction à l'autre sur le nombre final de smeusses envoyés il y a 3 jours (400 millions et des brouettes, chiffres fournis par les opérateurs), une chose est sûre : la nuit de la St-Sylvestre est toujours juteuse question facturation de smeusses.  Cette année, c'est le jackpot. 

Le 2 janvier, un opérateur à tête d'agrume annonce qu' « un bug » lui est tombé sur la tête.

Bug : Mot gentiment effrayant. Permet en trois lettres de synthétiser la fatalité d'une technologie trop compliquée pour les manants en un "c'est la faute à pas de chance."  

Ce "bug" a provoqué la multiplication des envois de smeusses (en 40 exemplaires pour certains, cumulés en memeusses - variante du smeusse avec photo du petit dernier) et (parce que la technologie de la compta, elle, est heureusement infaillible) des facturations clients. Je passe les détails, mais nombre d'abonnés se font facturer à répétition des memeusses pour l'envoi d'un seul smeusse ou bien se retrouvent "hors forfait de plus de 300 euros" en quelques minutes. 

J'imagine que si j'étais "stratège technico" chez un opérateur téléphonique - le dieu de la 3G m'en préserve -  j'aurais anticipé un tantinet l'évènement en sécurisant l’infrastructure. 

(Sobriété. Au Figaro, on a d'abord pensé à titrer : "Les factures des clients Orange explosent à cause de l'envoi d'un smeusse" mais ça cassait l'ambiance des fêtes et le contrat sponsoring du talk-show maison.)

Tant qu'aucune plainte n'est déposée, aucune enquête n’est initiée sur cette surfacturation massive    estampillée « bug » par la compagnie à qui profite l’épisode (et en rejette la responsabilité sur d'autres). 

Dans la presse, aucune interrogation n’est émise sur l'incongruité d'un "dysfonctionnement majeur dont l'opérateur est pleinement responsable" (c'est comme cela que, dans le doute, on baptise les « bug » ici) survenant dans une période où l'on sait qu’il y aura un pic d'envois de smeusse (alors qu'on en parle depuis des jours).  A croire que c'est encore un peu les vacances et / ou que l'opérateur concerné est un annonceur de poids. A croire que la répétition depuis deux jours du "chiffre record" (mais bien flou) de smeusses envoyés le 1er janvier suffit à expliquer qu'un opérateur téléphonique les achemine en quintuple au moment précis de l'année où son réseau à le plus de raisons d'être saturé.

- Mais vous cherchez toujours la petite bête Monsieur Musset[1]. C'est la "pagaille" point. C'est comme ça :  en France, précipitations et abondance expliquent tous les dérapages.

Communication de crise parfaite. L'opérateur à logo d'agrume annonce que les smeusses clonés (soit un beau paquet de pognon) seront remboursés (un jour) et passe pour un bon samaritain, en esquivant les raisons réelles de cette "pagaille" à l'arrière-gout prononcé de gros foutage de gueule : au choix, son incompétence ou son opération "gonflons un peu notre chiffre d'affaire cet hiver avec les smeusses des abrutis du 1er".[2]

(Victimaire. A la rédac du Parisien, on a d'abord pensé a titrer "Orange, victime de ses clients qui envoient trop de smeusses" mais c'était trop proche du Figaro.)

Rappelle-toi. 

Nous avions récemment évoqué l'escroquerie institutionnalisée comme signe distinctif de l'époque. 

Bienvenue en 2011.

Bonus de circonstance : Smeusse operator.


[1] le lecteur fidèle se souviendra que nous avons expérimenté une "bug storyétrangement similaire lors d'une réservation en ligne. 

[2] Les organismes tablent souvent sur le découragement du client lésé face à l'inertie des services et de ses hot-lines délocalisées en Albanie ainsi que sur l'impossibilité, entretenue par l'état, d'entamer une action collective. 

8 comments:

Nicolas Jégou a dit…

Tiens ! Je vais te spammer par un billet que j'ai rédigé en décembre suite à un bug du site web de la RATP lors des grosses intempéries.

Il faut relativiser l'incident : il n'y a pas mort d'homme, les gens seront remboursés, d'autres auront reçu leurs voeux en retard.

Tu ne peux pas imaginer ce que ça coûterait de mettre en place ce que tu appelles une infrastructure sécurisée.

Attention, hein, je suis bien l'avocat du diable : je parle en tant que responsable informatique, pour le reste je condamne bien entendu la facturation excessive des SMS, ces machins qui ne coûtent rien aux opérateurs, mais cette manne va disparaitre d'ici peux, des applications comme Kik sont disponibles sur mobiles 3G pour échanger des messages de type SMS gratuitement.

Anonyme a dit…

C'est à la mode de dire "la pagaille" ? :)

Sans quoi très bon article, je pense que l'opérateur devrait offrir le mois de décembre à tout ses clients qui ont eu ce problème de SMS.

Seb Musset a dit…

@anonyme > J'ai essayé de placer "épisode neigeux" et "voitures brûlées"... sans succès. Maintenant que j'y pense, le célèbre "les usagers sont pris en otage" fonctionnait à merveille.

Denis a dit…

Bonsoir,

Sans parler d'infrastructure sécurisée, quand on connait la périodicité des pics d'affluence, l'on teste la solidité logiciel avec un stress test à l'avance.

Chez mon employeur, avec un système informatique centralisé nous avons le même soucis en fin d'année. Et parce que pour nous aussi le record de "consommation" est battu tous les ans, hé bien tous les ans et largement en avance nous effectuons ces stress tests pour éprouver la bonne forme de notre infrastructures.

Bon, c'est vrai que notre système "gère" plusieurs milliers de dossier médicaux de patients de toute l’Europe et de l'Amérique Latine et le moindre "bug" ( où erreur humaine en français ) peut être fatal, mais ça ne dédouane pas France Telecom qui doit avoir lui aussi des moyens colossaux ... ha non c'est vrai, 110% des bénéfices 2009 ont été reversés aux actionnaires.

Anonyme a dit…

C'est marrant tous ces bugs qui plument toujours dans un sens (le bon sens cela va de soi...)

On pourrait appeler ça, "l'orang'mécanik".

Sur ce, tous mes bugs de bonheur...

Un autre Séb

Rafo a dit…

Derrière une erreur informatique, il y a toujours deux erreurs humaines.

BA a dit…

Après le coup de la Rolex, nouvelle provoc de Séguéla : "Le salaire moyen d'un Chinois, c'est 10 % du Smic et ils sont heureux".

http://www.lepost.fr/article/2011/01/04/2359043_apres-le-coup-de-la-rolex-nouvelle-provoc-de-seguela-le-salaire-moyen-d-un-chinois-c-est-10-du-smic-et-ils-sont-heureux.html

Shadows a dit…

C'est marrant quand même hein... Ce sont souvent toujours les mêmes qui cumulent les buts et les problèmes...
A se demander si ils ne le font pas exprès.

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