18 novembre 2010

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[video] Une sécurité socialiste ?

"Le politique a pour but d’empêcher la société de sombrer, pas d'accompagner le mouvement."
Jean-Jacques Urvoas (PS) à propos du Monarque, 9/11/2010.

Une fois n'est pas coutume. Le PS la (re)découvrant, nous allons parler "sécurité".

Avant de laisser la parole à un de ses représentants, précisons ici que la première des insécurités est sociale. Constatons que plus l'Etat délaisse ses prérogatives, abandonnant l'individu sans arme (sans toit parfois) sur le champ de bataille néolibéral, plus cet Etat lui ressasse, au premier fait-divers dramatique et médiatique, un discours sécuritaire guidant son angoisse "des lendemains aussi sombres qu'incertains" vers les rivages sans nuance de la peur immédiate (parfaitement saisissable, si possible articulée autour de menaces en kit et de groupes d'ennemis à étiquettes).[1]

Face à la mise en breloque de l'Etat providence, face à l'augmentation de la tension intime générée par les souffrances d'un chômage sans fin, d'un monde du travail qui vire médiéval, ou l'étau du  surendettement des ménages, face à la précarité croissante de la population : la soif de "sécurité" serait la médecine miracle des désordres sociaux. Constatons qu'avant le moindre scrutin, avant le travail, un toit ou un salaire décent, la quête éternelle de la tranquillité publique est survendue par ceux qui n'ont de cesse, une fois élus, de renforcer le chaos. Le pire ? Ça marche.

La peur de l'autre est l'air que l'on respire dans les démocraties en décomposition[2]. La grande force de la droite est marketing. Va savoir pourquoi, elle représente encore l'ordre. C'est d'autant plus stupide que, malgré sa parade des gros bras aux paroles de fer, elle échoue sur le terrain, dans le cadre de cette "action" qu'elle a elle-même définie (instrumentalisant au passage la police dont elle réduit les effectifs, dégrade les conditions de travail et qu'elle pousse à faire du chiffre).

(illustration : une affiche plutôt efficace du PS 
publiée peu après "le discours de Grenoble" et qui annonçait la couleur.)

D'un côté, il y a ceux comme moi qui ne se sentent pas immédiatement concernés par "l'insécurité", et de l'autre ceux qui sont affectés par le sujet (victimes comme police) qui n'ont absolument pas vu leur situation s'arranger en huit années de "traitement de choc". Le reste vit globalement dans le fantasme, redoutant en tâche de fond ce qui, le plus souvent, ne lui arrive jamais. 

La peur contamine le peuple et il est encré dans les perceptions de celui-ci que la droite est plus apte que la gauche à mater cette angoisse[3].  

Partant de ces deux postulats, et d'une montée effective d'un certain type de violences physiques dans la société[4], le PS s'empare à son tour de la thématique chouchoutée par notre GI Joe de contrefaçon national.

Forum "musclé" sur la sécurité à Créteil et déclarations Hortefesques de Martine Aubry, cette "reconquête" de la sécurité par les socialistes marque à gauche une ligne, non de fracture (les premières victimes des vols et des violences sont les jeunes et les couches sociales les moins favorisées) mais de divergence de vue dans les priorités "ce que devrait d'abord être" la proposition d'alternance à 18 mois des élections présidentielles.[5] 

(Idée déco : le commissariat de Bienne a peint quatre cellules préventives en rose)

Pour aller un peu plus loin que les effets de tribune, au début du mois, accompagné des blogueurs Zeyesnidzeno et Vogelsong, j'ai rencontré Jean-Jacques Urvoas, universitaire et député, en charge de cogiter sur la thématique sécuritaire pour proposer des pistes et des "outils chiffrés" au futur candidat socialiste.

Connaissant bien son sujet, plus nuancé qu'un Rebsamen ou un Valls, j'en avais entendu parler en octobre dernier lors de la publication de son rapport, "le baiser de judas" : un diagnostic cinglant sur la contre-productivité de la politique sécuritaire du Monarque, où il mettait en avant que les premiers "trahis" étaient les policiers eux-mêmes (ce qui corroborait des conversations récentes avec des gardiens de la paix au sujet de leurs cadences, de leurs heures supplémentaires non payées, du manque de matériel et d'un dialogue désastreux avec le monde de la justice sur fond de mépris dans la population...).

L'entretien d'une heure ayant abordé pas mal de thèmes, je vous renvoie aux autres analyses de mes camarades et à l'intégralité de l'entretien.

Voici une sélection d'extraits autour des rapports entre socialistes et sécurité.

Extrait n1 : - La sécurité... "j'y vais sans dogme et sans tabou." (3.00)

J-J Urvoas nous a évoqué plus tôt la possibilité de faire appel à des entreprises privées pour accomplir une partie des "charges indues" incombant actuellement aux policiers (transfèrement, garde de personnalités ou de bâtiments administratifs...) au nom d'un redéploiement plus efficace des forces de l'ordre envers la population. Si les syndicats policiers sont d'accord (et que l'on constate que c'est déjà le cas pour les transferts de fonds ou la sécurité des entreprises privées), cette prise de position entérine la doctrine de "réduction des coûts" actuelle. 


Extrait n2 : - "Pas de droit à la sécurité".  J-J Urvoas contredit ici les propos que tiendra Martine Aubry quelques jours après cet entretien. (3.00)


Extrait n3 :  - The Question :  "En se plaçant sur le terrain sécuritaire, le PS ne tend-il pas une perche à la droite qui va en faire , comme à son habitude, un thème de prédilection ?" (9.00)


extrait n4 :  - Les divergences de la droite et du PS sur les réponses sécuritaires. (Avec confirmation en creux qu'il n'y aura aucune augmentation de budget pour la police.) (4.00)


Extrait n5 : - Question :  "Les élus de terrain craignent-ils un nouvel "octobre 2005" ?"  (avec élargissement sur le niveau de violence dans ce pays, hors "physique" : violence financière, violence des rapports...) (3.00)


Au début des années 80, la gauche avait un complexe économique vis-à-vis de la droite qui l'a poussée à faire parfois pire. En 2010, les socialistes ont le désir de se montrer "décomplexés"  sur la sécurité. Soit. Vu la donne idéologique actuelle exposée en préambule, ça se comprend. Etant exposé qu'à ses questions "décomplexées", les réponses sont, elles, comme le précise Urvoas, complexes et non immédiates, et qu'elles débordent le seul cadre "policier" :  j'attends avec impatience, de la part du PS, une réflexion et des propositions aussi poussées et sans aucun tabou sur les banques, la finance, le logement, le travail et la monnaie.

A lire :

[1] fais-ton choix : musulmans, mineurs, mineurs musulmans, roms, ultra-gauchistes chasseurs de TGV, internautes, blogueurs, journalistes d'investigation...
[2] L'autre composante étant le culte du signe extérieur de richesse dans toutes les classes sociales.
[3] Si l'on déplace le curseur de l'analyse, dans les rapports humains, dans les mots, dans son apologie continue du fric roi et ses flagrants délits répétés de mensonges et de mépris du peuple : on réalise que le pouvoir actuel est un exercice continu de la violence.
[4] notamment la violence faite aux personnes (dont la majorité des cas sont dans la cellule familiale : toute la police du monde ne pourra rien contre cela).
[5] Une partie du PS compte d'abord séduire un électorat de droite désappointé avant de soucier de ces réserves à gauche, supposant qu'elles lui sont automatiquement acquises : dangereux.

4 comments:

Emma Indoril a dit…

Sécurité ? Privé ?
Voila des mots qui, mit ensemble, ne me conviennent pas.

La Justice, la Sécurité des Citoyens, ne doivent pas être du ressort du Privé, qui n'a comme objectif que la rentabilité.

Si c'est tout ce que le PS a à proposer, privatiser la flicaille, il peut aller se rhabiller.

Tassin a dit…

Sur le sujet de l'abandon de la sécurité économique de l'individu au profit de la sécurité pénale, je vous conseille cette intervention de Loïc Wacquant :

http://www.dailymotion.com/video/x6p3v6_loic-wacquant-et-le-liberalisme_webcam?start=176

Sébastien CERISE a dit…

Bonjour,

Il me semble que la privatisation des tâches qui éloignent le policier du terrain et en fait un agent administratif ou un garde-détenu est plutôt une excellente idée.

Je ne suis pas de gauche, mais j'ai trouvé Jean-Jacques Urvoas intéressant.

Parfois condescendant et verbeux mais avançant des arguments pertinents.

Bonne journée,
Sébastien CERISE

Anonyme a dit…

ce que ne voit pas ce monsieur, c'est que si la sécurité n'est pas un droit et en conséquence assurée efficacement par l'Etat, alors il y a un droit de se défendre soi-même.
En fait il rejoint les partisans américains de la détention des armes.

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