6 octobre 2009

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[devançons la politique] Vivre plus pour gagner plus


Il fallait y penser.

Orage Telecom expérimentera dès lundi un système de rémunération pour mettre un terme au salariat buissonnier causé par un nombre croissant de suicidés. L'opération est baptisée "prime à la vie".

Qui est concerné ?
Pour le moment seuls six salariés sont concernés par le test mené sur un des plateaux d'assistance téléphonique de l'enseigne cruellement frappée par la mode contre-productive de l'auto-destruction salariale. « Nous avons décidé de réagir. Il s’agit là de responsabiliser les salariés » Répond pragmatique Denis Balourd, PDG d'Orage Telecom. "Ces interminables pauses cafés entre le 7éme et le rez-de-chaussée commencent à peser sur nos indices de performance internes. Un suicide de temps en temps ça va, c’est quand il y en a plusieurs qu’on a des problèmes de cohésion des équipes. Sans compter que mourir à l'intérieur de sa boîte ça fait mauvais genre surtout lorsque l'on vend des "livebox" à l'extérieur. Non vraiment le salarié de l'an 2000 n'a pas l'esprit d'entreprise."


Alors "la prime de vie", comment ça marche ?
Selon l'assiduité à leur poste, la cagnotte des salariés gonflera de 120 euros tous les deux mois. Une somme à laquelle viendra se rajouter les 80 euros d'une "évaluation de vie de groupe" satisfaisante. Dans le respect de leurs objectifs, si les salariés réalisent un parcours sans faute sans mort subite ni pause pipi, la mise pourra atteindre 800 euros à la fin de l'année.


"Mais attention, pas de favoritisme et puis, pas question de les payer pour de vrai !" Se défend Balourd. L’argent récolté sera transformé en projet collectif (visite groupée de nos futurs locaux de hot-line à Madagascar) ou en avantages sociaux (10 SMS gratuits entre 22 heures et 6 heures à chaque semaine supplémentaire de vie à son poste.)

Malgré sa dimension collective, la démarche ne fait pas l’unanimité : «Payer pour inciter les salariés à ne pas se suicider, c’est éloigner le travail à la con de son fondement : Le salaire tout pourri. Cela va à l’encontre des trente dernières années de nos politiques sociales » Colère ce matin à la radio Eric Beurk, ministre du déficit à 1500 milliards et des excuses à deux balles, avant de préciser « si c’est à titre expérimental, alors pourquoi pas. Après tout nous sommes en démocratie, nous en tirerons les conséquences qu’il en faut en tirer et nous nous prononcerons contre. »

Certains élus de la majorité ne cachent pas leur indignation tel Serge D. surnommé le DAB, magnanime prince à vie de Corbeil-Essonnes : "Payer les travailleurs à rester vivant alors que nous disposons d’une telle réserve de chômeurs n’est pas digne d’un pays se targuant de modernité. En Chine ils ne le font pas, c’est bien la preuve que c’est stupide ! Et puis, le mieux est l'ennemi du bien, c'est encourager les mauvais comportements. Ces suicidés sont des tire au flanc, ils mériteraient la chaise électrique. "


Denis Balourd se défend des attaques considérant sa politique sociale trop laxiste, : « N’allez pas croire que je fais du sentimentalisme ou que je cède sur nos basiques à savoir encourager les moins productifs à partir d’eux-mêmes sans que nous n’ayons à les licencier ! Mais il faut avouer qu'ils nous ont pris de court les lâches. 42{1] départs secs sans sommation ni remise de badge, c'est le mouvement social le plus radical auquel nous devons faire face depuis, la vache, je ne m'en souviens plus. »


* * *

Le temps c'est de l'argent.
Là où certains rebondissent à chaud sur les polémiques que les machines à slogans servant de ministres leur lancent comme os à ronger, votre rédacteur vous a fait gagner six semaines (au rythme de l'exponentielle sottise gouvernementale, connue des mathématiciens sous le nom de "constante de Lefebvre") et vous a livré en avant-première ce que, entre l'abaissement de la majorité pénale à sept ans et le bilan des rafles nocturnes d'internautes, vous devriez prochainement lire sur le chemin du turbin dans vos gratuits d'information publi-rédactionnelle, Métroupes et autres Diktat matin.


{1] Oui, suivant l'algorithme du JT, nous avons également anticipé ce score macabre.

21 comments:

Anonyme a dit…

Triste à dire, mais tant que les esclaves volontaires ne diront pas "non", la direction continuera, inlassablement.

Dans la vie, il n'y a que quatre solutions suite à une menace.
Se battre, fuir, se cacher, et se soumettre.
Les mecs de France télécom ont choisis la dernière option.
Le coup de poing qu'ils devraient donner, ils se l'administrent à eux mêmes. Au bout d'un moment, la corde lâche...

Rimbus a dit…

Très bon billet !
Se suicider à cause de son boulot, faut vraiment être lobotomisé pour en arriver là, c'est vraiment effrayant !

Unknown a dit…

si j'ai bien compris le principe de cette cagnotte, on tente de raisonner les potentiels suicidaires en leur agitant une liasse de billet sous le nez ? mais quel genre de monstre peut raisonnablement penser que c'est une bonne réponse au désespoir ? et 120 euro tout les 2 mois jusqu'à un cumule de quoi, 240 euro ? 360 ? et quand ils auront prouvé que l'appât du gain aura pu les faire "patienter" on les sermonnera sur le sérieux de leur révolte et on leur enlevera tout en leur disant "vous voyez, ce n'etait pas si difficile" ? put*** c'est purement neo-libéral j'ai envie de gerber

Unknown a dit…

La politique actuelle est tellement tombée dans le "plus c'est gros, plus ça passe" que certains ne savent même plus distinguer le second degré et la satire. (cf. tgth)

Un corollaire de Lefebvre peut-être ? :-)

Anonyme a dit…

excellent et ultra-cynique

celine a dit…

Un bon mix de 2 actualités brûlantes (incitation à l'assiduité des élèves par des cagnottes collectives + bah les suicides de France-Telecom bien-sûr). Si j'ai bien compris, l'immeuble anti-suicide de France-Telecom ce n'est pas une blague, donc ça ne m'étonne pas qu'en lisant rapidement cet article, on puisse le prendre au pied de la lettre. Plus rien ne nous étonne, ma bonne dame!

Anonyme a dit…

difficile de briller sur le sujet, on dirait. autant les papiers sur les salariés ou les paubo ( les nouveaux bourgeois bohème qu'on pas la thune pour se la péter) m'ont époustouflé par l'analyse, la verve et l'humour, là je sais pas ptêt que j'suis triste.

Anonyme a dit…

Benoît : qui a dit que la vie n'a pas de prix ? :D
Le pire dans tout ça, c'est que certains vont être tentés et adhérer au système. Le grand concours de celui qui sera plus con que son voisin est lancé depuis plusieurs années déjà. Depuis que l'homme existe peut être ?

Seb Musset a dit…

@tgth : Le problème de l'époque : la réalité dépasse la fiction. Ici, la fiction devance la réalité.

@anonyme 11.34 : Exactement le même constat : Ce monde me rend triste. Pas spécialement envie de briller par rapport à ce billet. Par contre, on le ressortira en temps voulu ;)

BA a dit…

Restauration : la baisse de la TVA ne créerait que 6.000 emplois (Cour des Comptes).

http://www.boursorama.com/international/detail_actu_intern.phtml?num=6fbe9d264020d9e5995e688c5ee906fb

3 milliards d’euros pour créer 6 000 emplois : en faisant une division, on découvre qu’un emploi créé dans la restauration a coûté 500 000 euros aux contribuables !

Vous avez bien lu : pour créer un emploi dans la restauration, les contribuables ont payé 500 000 euros !

C’est pas grave : le plus important, c’est faire plaisir à l’électorat UMP.

Anonyme a dit…

Magnifique...

Une idée alternative : on fait du social pour les 20% de français les plus pauvres. Pour 13 millions de français, ça fait un cadeau de 230 euros par an. Pas mal, non ?

Anonyme a dit…

Ca c'est fort ! Vendredi dernier je prends la peine de vous pondre un commentaire des plus chiadés sur votre article "Les Trois Grasses" (https://www.blogger.com/comment.g?blogID=3055110656002725544&postID=169174921738233550&isPopup=true) et toujours aucune réponse?

Je comprends qu'il est plus aisé d'entretenir un dialogue téléphoné avec un public acquis, mais tout de même !

Yann a dit…

Jeudi 8 octobre 2009 a lieu un évènement particulier : c'est la journée "J'aime ma boîte" où tous les salariés sont invités à célébrer leur entreprise.

Anonyme a dit…

Les salariés de ce pays sont masochsites ?

BA a dit…

Mensonges en Sarkofrance.
Ce jeudi, Nicolas Sarkozy se rend en Lorraine. Il ne s'arrêtera pas à Gandrange , effrayé qu'il est des manifestations d'hostilité qu'une telle visite pourrait susciter dans une région où ses promesses de sauvegarde de l'usine d'Arcelor-Mittal et de revenir en personne sur le site n'ont pas été tenues. Côté mensonges et manipulations, la journée d'hier a d'ailleurs été riche en révélations.

Karachigate, Sarkozy impliqué ? Ben oui !

http://sarkofrance.blogspot.com/2009/10/mensonges-en-sarkofrance.html

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Seb Musset a dit…

@Millie. Je vous réponds avec argumentaire et notes de bas de page des que j'ai une heure devant moi. C'est à dire pas avant samedi.

Seb Musset a dit…

@tous > le commentaire supprimé était une annonce publicitaire. Proscrit ici.

Anonyme a dit…

Merci ^^

Guyb a dit…

Il y'a quatre ans je bossais chez SFR. Une employé modèle (heure sup non payées, fière de balancer ses collègues moins performantes, etc.) tomba en déprime suite à une séparation et un décès dans sa famille. Mon boss, qui faisait parti d'un club de tir afin de pouvoir posséder des armes, lui tendit un de ses révolver et lui dit (devant temoins): "Si jamais ça peut vous aider à règler votre déprime, je veux bien vous le prêter..." Il s'en alla alors, faisant semblant de rire...

Anonyme a dit…

Article (et blog) découvert grâce à Bab El Oued (Bakchich)
Toutes mes félicitations

Fred

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