21 juillet 2009

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La lune dans le caniveau


La lune ? Mais tout le monde s'en fout mon brave.

Survolant hier soir les émissions télévisées commémorant les premiers pas de l'homme sur la lune, 40 ans plus tôt, me viennent à l'esprit quelques considérations.

Dans les années 80, les émissions type "L'avenir du futur" m'assuraient qu'avant la fin du siècle l'homme retournerait sur la lune. En 1995, version talk-show, on me repoussait l'échéance à 2005. En 2005, version libre-antenne, on évoquait 2015. Et bingo, hier soir chez les Bogdanoff, version experts en plateau, on me le jure : La colonie lunaire, c'est pour 2020 !

Seule certitude : En 2019, nous aurons une belle émission en 3D-HD sur les 50 ans de l'évènement.

Moi qui, gamin, espérait un jour orbiter autour de la terre comme l'on prend aujourd'hui le RER, je sais qu'il n'en sera rien.

Excusez-moi d'être un peu sceptique dans ce concert de louanges à la gloire du génie humain mais nous ne reverrons nous pas de si tôt un homme là haut.

Déjà, et c'est beaucoup, en 1969 Microsoft n'existait pas. C'est tout bête mais si l'on compte sur la fiabilité de ce Fenêtres qui équipe encore la majorité des ordinateurs de ce monde, on court au désastre. Pour la plupart, nous disposons à domicile d'une puissance informatique 1000 fois supérieure à ce qu'avait la NASA pour lancer et diriger Apollo et personne n'a réitéré l'exploit. Un silence qui en dit long non ?

Ensuite, replaçons les exploits dans leur contexte. En 1969, après 20 années de terreur atomique, il fallait faire rêver les masses et leur redonner confiance dans la technologie. Aujourd'hui, on nous bassine que l'ennemi de la planète c'est l'homme pollueur, pédophile, populiste ou pire, pauvre. Quand ce n'est pas les quatre à la fois. Quant aux pays hors point G, leur grand projet n'est pas de marcher sur la lune mais de posséder cette arme atomique qui impose le respect parce qu'elle permet de pulvériser la terre.

Guerre froide, bourbier vietnamien, il fallait pour l'Amérique détourner les regards et asseoir définitivement sa mythologie. Rien a changé de ce côté là : Cinéma, Obama, rêve américain des présidents européens et célébration de la marche lunaire avec force drapeau étoilé. A qui cela servirait de cramer des milliards de dollars pour refaire ce que l'on peut se contenter de fêter ? Laissons Ron Howard s'en occuper.

A la rigueur, constaterons-nous dans les années à venir l'essor du tourisme spatial pour quelques collecteurs de parachutes dorés qui, lassés de leurs orgies terrestres ou apeurés par les conflits des miséreux affamés et grippés, se regrouperont entre membres du club dans quelques bases géostationnaires à la Moonraker.

Joueurs d'X-Box 360 Elite et autres PS machin chose, déplorez avec moi la pauvreté de la réalité spatiale face aux ingrates virtualités terrestres qu'elle a engendrées. La conquête de l'espace a généré un monde d'images plaçant la barre bien haut : Star Wars, quatre décennies de cinéma de science-fiction aux effets toujours plus crédibles, des jeux vidéos plus vrais que nature et des univers de substitution qui endorment des générations. A moins de crashs spectaculaires, ces trompe l'oeil picturaux en haute définition rendent iconographiquement caduque toute conquête de l'infini, à moins d'y envoyer du très terre à terre : Des people nus, Jean Sarkozy et un transsexuel nymphomane.

Ce qui m'amène à la raison majeure pour laquelle nos regards ne se tourneront pas de si tôt vers les étoiles : De la base au sommet de la pyramide nous sommes obnubilés par nos baskets. Le délire spéculatif des happy-fews de la stratosphère financière n'a d'egal que l'individualisme à œillères de chacun des maillons de la chaine des soumis. En haut, on ne rêve pas de triste satellite gris mais d'indécents bonus toujours plus juteux. En bas, ma voisine, vendeuse en cosmétique assignée en studette, préfère sacrifier ses vacances juste pour avoir de quoi s'acheter des lunettes Dolce Gabbana afin impressionner ses collègues de mine à la rentrée. Si je lui parle de décrocher la lune elle me répondra surement : - "Oui d'accord mais en combien de mensualités ?"

Ne soyons pas si négatifs. Pour certaines des raisons mentionnées au-dessus nous verrons peut-être un homme sur la lune d'ici peu. Il aura probablement les yeux bridés et à défaut de révolution technologique, il signifiera que l'humanité entre dans un nouvel ordre économique sous un nouvel équilibre géopolitique, celui du far-east.

Durant les heures de célébration et de prospective observées la nuit dernière sur les ondes françaises, cette éventualité inconcevable pour l'occidental auto-satisfait n'aura pas été évoquée.

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