21 août 2008

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VIOLENCE DES ECHANGES EN MILIEU MESQUIN

Dix-sept heures. Après la rédaction quotidienne d’un bouquin qui m’aura bien pourri l’été, je me présentai, assoiffé, en tatane à la caisse du Champion de La Rue du Buci.
L’hôtesse de caisse me regarda les yeux ronds. Je déposai sur son tapis noir une baguette et deux bouteilles d’eau pour un montant total de 1.07 euros.

- "Vous acceptez les cartes ?" Que je lui dis car j'aime jouer au fanfaron dans ces environnements guindés, faits de règlements intérieurs, de taux de transfert, de codes-barres et d’erreurs caisses.

Comprenant qu’elle avait déjà le doigt sur le bouton d’appel des vigiles, je m’acquittai sur le champ de la somme en espèces. Je partis avec mes articles sous le bras. Tant pis pour Monsieur Champion. Si ces sacs n’étaient pas payants je lui aurais sûrement pris deux bouteilles d’eau minérale supplémentaires.

Sur le chemin du retour, je fis un crochet par le maraîcher. Madame me proposait ses melons à 2 euros pièce*. Des tomates aussi, à bon marché, jugez plutôt : 1.50 le kilo. Je pris donc un melon et un kilo de tomates.


- "Et avec ceci ?" Me moucha la marchande.


C’est que je n’avais rien prévu. (Mon budget nourriture pour la journée était de huit euros, et encore pour peu que je ne m’achète pas un cd d’occasion de Charlie Mingus sur le chemin car de Boulinier à Gilbert car les tentations sont rudes.)


- "C’est tout." Lui dis-je en tendant les pièces jaunes que j’avais préalablement réunies dans la file d’attente, fier de mon acte citoyen qui contribuerait, à part au moins égale avec les réformes gouvernementales, au redressement de l’économie de notre pays.

- "Et Ben… Ca nous fait 3,50…" Maugréa t-elle en tapant le montant sur sa caisse tout regardant de biais ce mécréant en short à tee-shirt pas net qui osait la déranger pour si peu entre deux clients à 45 euros.


- "Ah bah oui Madame, mais fallait vendre vos tomates et vos melons à ce prix là plus tôt ! Si je me souviens bien ça tournait à 4,95 le melon charentais en juillet..." Polémiquai-je aussi sec en lecteur assidu des rapports du Credoc.

Voyant que je commençai à taper le scandale et comprenant que, dès que l’on aborde la question la hausse des prix depuis le passage à l'euro, on s’attire le soutien populaire même en tatanes et même dans les beaux quartiers, Madame La maraîchère a vite changé de ton, s’excusant presque.

- "Ouais mais maintenant on en a trop."

J’étais désolé. Que pouvais-je rajouter ?


- "C’est con… mais nous, tout l’été, on en a pas eu assez d’argent pour vous en acheter."

Sur ce paradoxe du marché qui a défaut d’enrichir l’économie du pays ruine le moral de ses habitants, je m'en allai avec mon melon, mes tomates, mes deux bouteilles d’eau et ma baguette sous le bras**. Un pyramide pourpre attira mon attention. Sur l’étal, resplendissaient de belles cerises à 9.95 le kilos, cueillies quelques jours plus tôt dans L’Utah (aux Etats-Unis). Habilement j’en dérobai une, ne faisant tomber qu’une de mes deux bouteilles et quatre tomates.

La journée n’était pas foutue, je remontai le Boulevard St Germain en savourant la cerise transatlantique, ma première de l’été. Tel le noyau de Proust, je me remémorai avec émotion ce mois de juin dernier en partie passé à me gaver de griottes à même le cerisier dans le jardin d'un ami vendéen. Il y en avait bien une tonne !

Quel con ! Dans un pays où l’on paiera bientôt les œufs de lump au prix du caviar et ses cerises à l'unité, il devait y en avoir pour un sacré pactole ! Mais la mamy de mon ami les a distribuées à ses amis. Ah si j’avais su ! En bon mesquin, je serais venu de nuit, je lui en aurais raflé des cageots et maintenant je serais à la tête d’un beau pouvoir d’achat et tiens, je ne sais pas, si je ne trouvais pas le Blues and Roots de Mingus chez aucun brocanteur de disques, j’aurais pu m’acheter le dernier Carla Bruni tout neuf dans la boutique on-line du Figaro.fr à 14.35 euros !***

Pour finir en images et sur une note plus optimiste, parce que depuis mon petit séjour à la campagne (où les prix de l'alimentation sont aussi dingues qu'à Paris), j'ai retrouvé confiance en la capacité de résistance de ce pays :




* Souvenez-nous de ce siècle de grande prospérité occidentale où le melon s’achetait à moins d'1 euro au bord des départementales sur le chemin des vacances. C’était en 2007, quand il y avait des fruits et des vacances.

** Avant que Luc Chartel ne publie une note officielle sur le sujet, voici un petit truc pour faire des économies en période de crise : Ne pas prendre de sac quand on fait ses courses.


*** On fait appel aux potes pour écouler les invendus ? Vu sur le site du Figaro, jeudi dernier, pour le prix d'un kilo de cerises françaises :

6 comments:

Denis a dit…

En ce qui me concerne, je n'ai jamais compris ces 9€90 le kilo de cerise ( c'est pour en rajouter ou c'est véridique ? )

Il y a je crois des profiteurs et des cons ( désolé pour l'insulte, mais je n'arrive plus à rester modéré ).
J'habite dans la campagne lyonnaise ( Savigny pour les plus curieux ). A 2 kilomètre de ma location campagnarde il y a un marché chaque samedi matin. Et je m'y rends toutes les semaines pour y acheter mes légumes. Alors, il y a le maraicher qui pratique les memes prix que la grande surface voisine. Et c'est pas donné. Mais ses fruits et légumes sont beaux et gros et ils viennent de très loin ( amérique du sud, ...).
Puis il y a des producteurs des environs ( 5 klm de distance ). Les prix sont divisés par deux voir par trois. Les pommes de terre sont pleines de terre, les tomates ont des tout petit trous de ver ( le ver n'est pas fou, il mange que ce qui est sain! ). En plus comme c'est une production local, ça pollu moins en transport. Et ils sont surement tout aussi bon que les produits du maraicher.

Sinon petite anecdote : Mamour voulait faire une tarte aux fraises. Les petits producteurs avaient déjà écoulé leur stock de fraise. Je me résignais à en acheter chez le bon maraicher. J'en demandais une seule et unique barquette.

Lui : "Aller monsieur, je vous en rajoute une deuxième, parce que sinon ça vous manquera demain".

Moi :"Non, j'ai dis une, juste une seule, pas deux"

Lui : "Non mais, ça fera à peine 4€50 avec une seule!!"

Moi : "Et ?"

Lui : " et ... et .. et je risque de pas écouler mon étalage aujourd'hui"

Moi : "Demander à vos voisins comment ils font pour écouler le leur en moins de 2 heures. Je crois qu'ils vendent moins cher et qu'ils pratiquent une production raisonnée."

Je suis parti, et j'ai du expliquer à mamour pourquoi nous allions nous passer de sa tarte aux fraises ce week end la. J'ai eu droit à un "Tu as raison, mais tu fais chier, tu pourrais etre plus diplomate des fois " Oo.

Voila, l'on nous vend des produits délocalisés et hors saison à des prix irraisonés.

Seb Musset a dit…

a Denis > Du kilo de cerises US au cd de Carla Bruni, tous les prix de ce billet sont malheureusement exacts. (pour les cerises, j'ai vu encore +cher cet été pour des cerises françaises alors que c'était la saison)

Denis a dit…

Des cerises plus cher ? Plus cher que le CD de Carla Bruni ?

Ca me laisse sans voix!

OUTREMEUH a dit…

Camarade Seb Musset, tu te rapproches des principes de vie de la simplicité volontaire au fil de tes constats sociologiques.
Je suis parvenu récemment à la conclusion suivante : Nous ne pourrons pas vivre comme nos parents, mais peut-être comme nos grands parents.
Le potager, l'entraide entre voisins, le chauffage au bois, la récupération des eaux de pluie, les déplacements à vélo, éventuellement une voiture par foyer... on a l'impression d'inventer des concepts, de créer des astuces dans la prise de conscience anti-consumériste.
On oublie que nos grands parents vivaient comme ça naturellement !
Le fait que l'on parvienne à la conclusion aujourd'hui que c'est un mode de vie plus sain et plus adapté, et ce après réflexion, est la preuve même que le système de valeurs auquel on a essayé de nous formater depuis notre naissance est inadéquat, irrespectueux, créateur d'inégalités et incompatible avec notre passé et notre culture.

Finalement, le consumérisme est quelque chose de relativement nouveau ramené à nos 2000 ans d'histoire, hein papi ?

pilulerouge a dit…

La baisse de la consommation des ménages résulte d'une adaptation de la population à une conjoncture difficile. Je crois que Seb à raison en disant que la solidarité, les échanges de service, de biens, et du travail non déclaré vont augmenter. C'est déjà le cas d'ailleurs. Mais, il ne faut pas sous estimer la dépendance des gents au système consumériste. Dans notre malheur réside l'espoir que la triste réalité de cette très grave crise économique, va obliger les français à sortir du monde virtuel de la propagande.
Une autre conviction m’habite. Celui que le système libérale explose, avant que notre gouvernement ne fasse trop de dégât. Il sera alors plus dur de vendre aux citoyens français, un système libéral en pleine autodestruction.
Cette probabilité est très grande. Nous assistons à un Krach rampant, que plus personnes ne maîtrisent (FED, BCE, banques, le marché, les politiques) et dont l'épilogue est imminent.
Les plus touchés seront, les Etats-Unis, le Japon, La Grande Bretagne, l'Allemagne ou le Canada. Deux autres crises sont en train d'apparaître. La crise des A.R.S et des fonds de pensions américains. Cette dernière va plonger les papy-boomers dans une paupérisation dramatique.
"Avec les hedge funds, encore ne s'agit-il que des investissements les plus « risqués » ! Les fonds de pension, quant à eux, ne s'attendaient pas du tout à voir les bourses et les valeurs immobilières chuter comme elles le font à travers la planète depuis plusieurs mois. Ces classes d'actifs sont en train de perdre de 30% à 70% de leur valeur entre 2007 et 2009".Extrait GEAB N°23 (Mars 2008).
Seb Musset, tu en appels à la résistance face à la société de consommation. Paradoxalement, je crois qu'en définitif, ce sont les agissements du système libéral qui vont combler ton souhait.

René Pierre Marc a dit…

le temps et sa valeur...
cela me rappelle quelque chose ?!
en tous les cas, je suis riche.
car il y a longtemps que j' économise le mien...
" le temps est si précieux que c' est un devoir de le perdre..."
allez cadeau !

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